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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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Association de collectionneurs
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Décembre 2023 | Temps de lecture : 24 Min | 1 Commentaire(s)

A propos de la formidable collection de Bueil & Ract-Madoux, constituée par deux amis d’enfance réunis par l’art, l’éducation et les racines jurassiennes.

L’histoire que nous raconte le magazine L’Oeil dans son numéro d’octobre est de celles qui ensoleillent un dimanche après-midi pluvieux et réjouissent l’âme. De celles qui font croire en un monde doux et feutré où l’amitié éclaire le chemin bien mieux que l’argent. De celles qui donnent envie de se retrouver dans la bulle réconfortante des gens bien nés choisissant de se donner les moyens d’être passeurs d’art.

Deux amis d’enfance qui s’étaient perdus de vue à l’aube de leurs 20 ans se retrouvent par hasard à la quarantaine, découvrent leur passion commune pour la collection d’œuvres d’art, et décident dans un seul élan que leur union fera leur force. Et leur bonheur. La collection de Bueil & Ract-Madoux réunit aujourd’hui des tableaux signés Delacroix, Courbet, Degas, Derain, Kupka, Picabia, Tobey, Tal Coat, Asse, Dubuffet, Reigl, Picasso, Vuillard, Bonnard, Kirkeby, Delprat… Alors évidemment, ça fait rêver…

Jean-Gabriel de Bueil et Stanislas Ract-Madoux ne s’en cachent pas : ils sont issus de « bonnes familles ». Si le père du premier, un homme à l’ancienne issu d’une famille catholique et aristocratique du siècle dernier, venait de Haute Normandie, sa mère était jurassienne, de la lignée de Broissia, dont la vieille maison familiale à Blandans semble défier Château-Chalon. C’est dans cette demeure que le petit Jean-Gabriel passe tous les étés de sa jeunesse, avec ses grands-parents. « J’ai grandi dans une famille où il y a toujours eu des œuvres d’art. Cela a dû exercer ma sensibilité », confie le désormais très renommé restaurateur parisien à la journaliste Marie Potard. « J’ai commencé à m’intéresser aux livres – mon père était bibliophile et comme je l’ai perdu jeune, cela a été pour moi l’occasion de recréer un lien. Cette passion m’a amené à racheter des bibliothèques entières, dans lesquelles se trouvent toujours des cartons de dessins, des photos, des gravures… De fil en aiguille, je me suis intéressé aux tableaux. »

Stanislas Ract-Madoux possède lui aussi une vieille maison de famille dans le Jura, à quelques kilomètres de celle de Jean-Gabriel de Bueil. « Mon environnement familial était également très sensible à l’art avec, dans mon enfance, un père galeriste que je venais voir tous les week-ends. J’ai toujours eu le goût de collectionner les timbres, les affiches, etc., puis j’ai commencé à acheter des œuvres d’art il y a une vingtaine d’années, avec un prisme allant de l’entre-deux-guerres jusqu’au très contemporain axé sur l’abstraction. Mon premier coup de cœur fut une œuvre de 1963 de Geneviève Asse. » Stanislas est toutefois convaincu que ce sont leurs racines communes à Jean-Gabriel et lui qui ont fait la force et la singularité de leur collection, au-delà de leur intérêt pour l’art. « Le Jura a donné corps et ciment à notre histoire. » Avec notamment Courbet mais aussi Vuillard, originaires de cette région et figures tutélaires de la collection.

Sans compter qu’en faisant des recherches sur La Vague, de Courbet, Stanislas Ract-Madoux a découvert un jour que son aïeul, Alfred Bouvet, vivant à Salins-les-Bain, n’était ni plus ni moins que l’un des mécènes de Gustave Courbet ! Après une première expérience professionnelle dans la finance, le jeune homme avait décidé de consacrer la seconde à sa vraie passion : l’art. D’où une formation en auditeur libre à l’Ecole du Louvre et au Sotheby’s Institute en 2015 et 2016. C’est cette année-là qu’il croise son ami d’enfance devant le fameux restaurant de la rue du Mail à Paris, Chez Georges, dont Jean-Gabriel de Bueil a repris les reines en 2010. Et c’est cette année-là que naît la collection de Bueil & Ract-Madoux.

En effet, « deux jours plus tard, nous déjeunions ensemble, et le mardi suivant, nous achetions au Salon du dessin notre première œuvre d’art commune : Paysage de Saint-Tropez au crépuscule, une petite huile fauve de Matisse de 1904 », se souvient Stanislas Ract-Madoux. Laquelle est d’ailleurs actuellement prêtée à la Fondation Gianadda en Suisse, à l’occasion de la formidable exposition « Les Années Fauves » qui s’y tient jusqu’au 21 janvier 2024 (et que je vous recommande chaleureusement au passage). « Au début, nous étions force de proposition vis-à-vis des institutions », sourit Jean-Gabriel de Bueil. « Aujourd’hui, elles nous sollicitent d’avantage. Etre au contact des conservateurs et des commissaires est fondamental et très enrichissant. » Lui qui, avant de retrouver Stanislas, avait « pressenti le danger de la certitude », qui craignait en collectionnant seul de s’enfermer dans une obsession et de ne plus progresser, a vraiment trouvé l’association amicale idéale !

La collection de Bueil & Ract-Madoux a déjà ainsi collaboré à 67 expositions institutionnelles à ce jour, musée d’Orsay en tête ! « Notre premier prêt fut Fantin-Latour au Musée du Luxembourg en 2016, avec Le Toast ! Hommage à la Vérité, de 1865 (esquisse définitive du tableau détruit) », rappelle Stanislas Ract-Madoux. C’est lui qui désormais se consacre entièrement à la collection d’œuvres d’art constituée des coups de cœur des deux amis et associés. Il partage son temps entre la gestion des expositions, les recherches et les ventes publiques. « Nous n’avons aucune règle pour les achats d’œuvres d’art, mais ils se font de manière régulière, tant en foire qu’aux enchères ou en galerie d’art », explique-t-il à la journaliste de L’Oeil. « Si l’un de nous n’est pas présent physiquement, nous n’achetons que si nous sommes d’accord tous les deux. Quoiqu’il arrive, il n’y a jamais de concession pour faire plaisir à l’autre. »

Les deux complices pour qui le marché de l’art n’a plus de secret se fient d’abord à leurs émotions face à une œuvre d’art à vendre. Mais après le choc esthétique, d’autres critères guident leur choix au moment de l’achat, comme la provenance de l’œuvre, sa date en référence à l’histoire, et sa rareté. « Selon ces critères, la valeur d’une pièce peut varier considérablement », note Jean-Gabriel de Bueil. La collection de Bueil & Ract-Madoux, est composée actuellement d’environ 300 œuvres d’art (peintures, sculptures et dessins) allant du XIXe siècle à nos jours et évoluant chaque année par la revente d’œuvres d’art alimentant l’achat de nouvelles. Elle est tissée d’un fil rouge : « La modernité dans le classique et le classique dans la modernité ». Car ces deux-là n’ont pas seulement pris un jour la décision de mutualiser leurs deux collections en réunissant les pièces qui leur plaisaient à tous les deux, ils ont aussi cherché à théoriser leur démarche. « Et nous nous sommes rendu compte que Jean-Gabriel cherchait la modernité dans le classique et moi, une certaine forme de classicisme dans le contemporain », constate Stanislas Ract-Madoux.

Des valeurs communes les ont très vite réunis aussi autour d’une politique de dons aux musées, « car notre collection est une histoire de transmission », rappelle Stanislas. En 2021, ils ont ainsi fait don au musée d’Orsay de Falaise (1870), d’Antoine Vollon. « Nous ne voulons pas que cette collection s’enferme dans le concept bourgeois de possession, et gardons bien en tête le côté passeur », tient à préciser Jean-Gabriel. Leur dernière acquisition : une œuvre de Judith Reigl de 1958. Félicitations !

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

 

Illustration : Gustave Courbet, La Vague, 1870,
Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset

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ZAIBI / Private.area_artist
04/12/2023 (14h32)
Bonjour, Merci bcp pour cet article j'adore courbet , et même j'ai fais un essai de la vague de courbet.
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