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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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Marc Desgrandchamps et la sérendipité
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Juin 2023 | Temps de lecture : 25 Min | 0 Commentaire(s)
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p>A propos de l’exposition « Immortelle » à voir au MO.CO. à Montpellier jusqu’au 7 mai, et des expositions de Marc Desgrandchamps à venir à Dijon, Annecy et Marseille.

A Montpellier jusqu’au 7 mai, le MO.CO. annonce la couleur : la peinture figurative est immortelle. C’est en tout cas le nom donné à l’exposition qui propose en deux générations un ambitieux panorama de la jeune peinture figurative française. Déployée pour la première fois sur l’ensemble des centres d’art de la ville, l’exposition s’organise en deux volets. Au MO.CO., sont présentés des artistes emblématiques de la scène française, nés de 1970 au début des années 80. L’exposition généreuse, sensible, entend rendre hommage à la peinture, dans sa part physique, matiériste, érotique, romantique. Et au MO.CO. Panacée, la nouvelle génération du milieu des années 80 et 90 propose une vision plurielle de l’avenir de la peinture figurative en revisitant les grands genres traditionnels mixés avec l’apport de la contemporanéité et d’enjeux conceptuels. Au total, 122 peintres sont exposés pour plus de 400 œuvres d’art contemporain.

Pour accompagner cette ambitieuse réflexion sur les enjeux de la peinture figurative, le magazine Artpress publie dans son numéro du mois d’avril, outre les analyses de Marine Schütz, maîtresse de conférence en histoire de l’art contemporain, et de Romain Mathieu, critique d’art, ainsi que l’échange de ce dernier avec les deux commissaires d’exposition, une interview de Marc Desgrandchamps, dont l’œuvre sera visible en deux lieux cette saison : au musée des beaux-arts de Dijon qui lui consacre une rétrospective de ses dix dernières années du 12 mai au 28 août (laquelle sera reprise début 2024 au musée d’art contemporain de Marseille), et à l’Abbaye de la fondation Salomon à Annecy du 26 mai au 28 août. Car selon le magazine Artpress, « peu d’artistes aujourd’hui soutiennent aussi bien que lui leur pratique d’une connaissance de l’histoire ancienne et récente et d’une réflexion aussi approfondie que lui ». Soit.

Interviewé donc par Catherine Millet dans le numéro du mois d’avril d’Artpress, le magazine d’art contemporain dont la journaliste dirige la rédaction, Marc Desgrandchamps se souvient avoir lui-même été très marqué par les expositions d’œuvres d’art organisées par le Centre Pompidou autour de la modernité historique des trente premières années du XXe siècle, à la fin des années 1970 et début des années 1980. Lui-même étant né en 1960 à Sallanches, en Haute-Savoie, il fréquentait alors l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et se passionnait pour l’œuvre de Malévitch dans son ensemble : primitivisme, cubisme, suprématisme et figuration kolkhozienne. « J’étais aussi touché de voir qu’il y avait une hésitation perceptible à la surface de ses toiles, que l’on ne perçoit pas si on ne connaît ses œuvres que par leur reproduction », confie le peintre et graveur. « Par exemple, les contours du carré blanc sont incertains sur le fond blanc, tout comme certaines figures recouvertes mais encore visibles dans ses peintures des dernières années. Cette hésitation, ce tremblement, m’apparaissaient en écart par rapport à l’interprétation moderniste puriste de son œuvre. »

L’artiste essaie à l’époque de travailler en écho aux mouvances portées par des groupes comme Bazzoka ou la Figuration libre, « mais l’aspect dur, voire trash, a toujours été contrebalancé chez moi par une fascination pour le monumental et le sublime, notions plastiques parfois un peu vagues et lourdes. Un peintre comme Beckmann, artiste immense, vu dans Paris-Berlin et l’exposition les Réalismes, est devenu une véritable obsession dont j’ai eu du mal à me détacher ». Marc Desgrandchamp retrouve alors ce sublime monumental chez l’artiste contemporaine Susan Rothenberg, dont il découvre les œuvres d’art à vendre à la galerie d’art Daniel Templon. « Je voyais qu’il s’agissait d’une peinture figurative qui aurait été inimaginable si l’abstraction n’avait pas existé. »

Il observe à l’époque le travail de jeunes peintres comme Vincent Corpet, Pierre Moignard, Djamal Tatah, Philippe Favier, Denis Laget, Jean-Pierre Giard… Mais les choses ne sont pas faciles pour lui : il a toujours le sentiment que les œuvres d’art qu’il s’essaie à créer l’ont toutes déjà été. Sans compter qu’il méditera lontemps la réflexion d’un critique d’art lui assenant un : « C’est fichu pour vous, vous auriez pu être dans le train mais vous n’y êtes pas, et maintenant pour remplacer ce train, on va rechercher les artistes qui vont le faire dérailler et ce ne sera pas vous, c’est comme ça le modernisme. »

La critique d’art Catherine Millet se souvient que pour la préface qu’elle avait écrite à l’occasion de l’exposition de Marc Desgrandchamps au Centre Pompidou en 2005, elle s’était appuyée sur un mot de lui, qui parlait de sa peinture comme « d’une peinture du doute ». L’occasion est belle de lui demander s’il doute toujours autant. « Le doute n’est pas éternel ! », lui répond l’artiste, qui s’est un peu lassé de ces mots un peu réducteurs qui lui collent maintenant à la peau dès qu’il s’agit de parler de son travail. « En même temps, il est exact que j’ai parlé du doute pour qualifier mon travail (…) Souvent, les choses se produisent par sérendipité, c’est-à-dire que des modifications surviennent par hasard et il faut pouvoir les reconnaître afin de les développer. C’est plutôt lent. »

Alors que Catherine Millet lui fait remarquer que, dans ses peintures récentes, il manipule les regards en les attirant sur un minuscule détail dans le lointain, utilisant le même procédé qu’ont exploité les surréalistes comme De Chirico, Tanguy ou Dali, Marc Desgrandchamps reconnaît que « De Chirico est une référence pour moi, c’est sûr, mes tableaux le trahissent ». Il faut dire que la première fois qu’il a entendu parler de ce peintre, il avait 15 ans et séjournait en Italie. « Je suis subjugué par la lumière de ces tableaux, l’atmosphère qui s’en dégage, et sidéré par la façon désinvolte dont ils sont peints. Tout est parfaitement en place, mais c’est fait n’importe comment, et cette absence de subtilité finit dans le faire finit par produire la plus grande subtilité. Je trouve cela magique, je ne comprends pas quelle alchimie est à l’œuvre dans ces peintures. » Quant à Dali, le peintre n’y est revenu qu’après l’avoir rejeté une fois passé l’engouement adolescent. Et même s’il n’aime guère Yves Tanguy, il a pourtant l’impression que certaines de ses propres peintures ressemblent en effet aux œuvres de ce surréaliste. « Peut-être une fascination partagée pour la ligne d’horizon venant scinder la surface ? »

Alors que la journaliste lui fait part de son peu d’estime pour les jeunes peintres s’étant fait connaître ces dernières années, leur reprochant d’être bien trop sages, Marc Desgrandchamps prend leur défense. « Peut-être que la plupart de ces artistes ont juste une autre idée de la provocation ou de la transgression. » Et de citer certains de ceux qui l’ont le plus intéressé : Jean-Xavier Renaud, Stéphane Pencréac’h, Florence Reymond, Johann Rivat, Laurent Proux… Mais aussi Marie-Anita Gaube, Eva Nielsen, Mireille Blanc, Marine Wallon, Christine Safa, Simon Martin, Jérémy Liron, Thomas Lévy-Lasne, Mathieu Cherkit, Ymane Chabi-Gara, Guillaume Bresson, Manon Vargas, Raphaëlle Bertran, Maude Maris, Nathanaëlle Herbelin, Elené Shatberashvili, Mathilde Denize, Samuel Richardot…

 

Illustration : © Daniel Clarke, Walla Walla Dream, 2008 — Courtesy de l’artiste de la Galerie Françoise Besson — Crédit photo: Daniel Clarke

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