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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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Je ne savais pas qu’Edi Dubien était une star
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Mars 2024 | Temps de lecture : 23 Min | 0 Commentaire(s)

Comment m’est apparu un jour le compte Instagram d’Edi Dubien ? Je me le demande… Je me souviens avoir cru alors qu’il s’agissait d’un artiste de ma région Grand Est, un artiste que j’aurais rencontré à l’occasion de l’une ou l’autre de mes activités journalistiques… Bref, je me suis immédiatement abonnée à ce compte tant ses dessins et aquarelles résonnaient en moi. J’avais la sensation de les connaître. De le connaître. Cette fluidité des corps, cette profondeur des regards, ou ce vide abyssal, cette osmose entre l’humain et l’animal, la fragilité d’une mésange et d’une épaule, d’une cage thoracique et d’une branche de fougères, ces coulures bouleversantes, cette forme de transparence aussi… tout me plaisait dans l’œuvre d’Edi Dubien. Tout me plaît toujours. Même son nom me plaît. Bien sûr. Et tout cela donc bien avant d’avoir mesuré sa notoriété.

En avril 2023 j’étais à Paris et j’avais eu la surprise de voir son nom dans le programme des expositions. Je ne connaissais toujours pas son histoire, je n’avais toujours aucune idée de sa célébrité, j’étais donc ravie pour lui, je pensais que c’était une belle reconnaissance. J’avais bien entendu prévu d’aller voir ses œuvres d’art à vendre à la galerie d’art Alain Gutharc. J’avais même soigneusement noté l’adresse, c’était à trois stations de métro de la Gare de l’Est, je me réjouissais… et puis il s’est passé autre chose. Alors la rencontre ne s’est pas faite. J’en ai toujours gardé une petite écorchure de déception dans le cœur.

Quel ne fut pas mon émerveillement de soudain reconnaître ses œuvres au loin, sur les cimaises de l’exposition consacrée à Lacan au Centre Pompidou-Metz, que j’ai eu la chance de visiter avant d’avoir lu trop de choses. « Mon Edi Dubien est là », me suis-je réjouie. « Il est dans cette exposition événement qui va faire couler beaucoup d’encre, qui va faire parler de son travail, c’est incroyable, oh comme je suis heureuse pour lui ! » Je ris encore aujourd’hui de ma naïveté et de mon ignorance. « Mon » cher Edi Dubien est bien sûr depuis longtemps une vraie star sur le marché de l’art contemporain ! Il fait même carrément la Une du magazine Artpress de ce mois de janvier. Le critique et commissaire d’exposition Damien Sausset lui consacre une étude qui est publiée dans le prestigieux magazine d’art contemporain. Il ne me reste d’ailleurs plus qu’à l’encadrer, cette couverture de revue, parce que je ne suis pas prête de pouvoir m’offrir une œuvre d’art originale d’Edi Dubien ! Au moins ai-je désormais sur mon frigo un magnet représentant un jeune garçon avec une coccinelle sur le cœur, reproduction d’un dessin aquarellé d’Edi Dubien proposée à la boutique du centre Pompidou-Metz… Quand je pense qu’il a même réalisé des œuvres d’art avec une libellule, mon animal totem ! Bref… Tout ça pour vous dire que je vous recommande chaleureusement de vous intéresser à l’œuvre graphique de cet artiste. Mais pas parce qu’il est né en 1963 à Issy-les-Moulineaux dans le corps d’une fille, ce que je viens seulement d’apprendre avec l’article d’Artpress. Simplement parce qu’il a énormément de choses à dire. Et parce que ses dessins et peintures vont bien au-delà des mots.

Edi Dubien ne s’est d’ailleurs jamais reconnu dans le personnage d’un pourfendeur de l’ordre patriarcal, d’un héros des questions de genre ou d’un militant queer et LGBTQIA+ qu’on lui a trop vite assigné. Oui, son père lui a infligé sévices et mépris pour « corriger » cette « petite fille » qui jouait comme un garçon. Oui, l’enfance parisienne de celui qui se prénommait alors Dominique a été très malheureuse. Oui, Edi est un survivant au sortir de l’adolescence. Oui il a à peine 20 ans quand il fuit sa famille pour se réfugier dans le monde de la nuit. Oui, il est autodidacte. Oui, il a fait quinze ans de psychanalyse. Oui, son art est d’abord un geste libératoire quand il commence à le pratiquer dans sa camionnette de chineur professionnel. Mais il renaît en 2015 avec la notification administrative officielle de sa nouvelle identité : Monsieur Edi Dubien. Et la mort du père honnis qui suit presqu’aussitôt.

« Ce qu’il transcrit est toujours une forme d’urgence, de canalisation d’une énergie. Mais à la différence de ses premières années de création artistique, ce qu’il déploie à partir de 2014 semble plus apaisé », écrit Damien Sausset dans Artpress. « Lorsque je pense à mes dessins récents, je les fais avec la même conviction qu’auparavant mais ils s’adressent à beaucoup plus de monde », lui confie en effet Edi Dubien. « Maintenant je peux mettre un nom sur les maux. Mon univers personnel s’exprime davantage. Avant, les coups de poing dominaient. Ces dessins sont une partie de moi-même que je n’avais pas eu le temps de présenter. Aujourd’hui, j’existe, alors qu’avant, je cherchais à exister. » Comme le constate Damien Sausset, « rares sont ceux qui connaissent vraiment ces créations d’une époque où, rejeté, n’ayant aucun accès aux écoles d’art, il peignait dans son camion et imposait des expositions sauvages sur les boulevards en déballant ses toiles sur le trottoir. » S’il savait combien je regrette de ne pas l’avoir croisé alors… J’aurais sans doute pu m’offrir une ou plusieurs de ses œuvres d’art à vendre, et lui donner un coup de pouce par la même occasion.

« Sans galerie, méprisé par le milieu officiel de l’art, il se fait pourtant un nom et rassemble autour de lui quelques collectionneurs internationaux », nous explique le critique d’Artpress. « Lui-même le confesse, sa pratique était de l’ordre de l’évidence mais aussi une possibilité de résistance. S’y ajoutait la nécessité : « Il fallait également que je vive et que je paye mes séances d’analyste ! » »

Comment ai-je pu louper l’imposante exposition qui a été consacrée à Edi Dubien au musée d’art contemporain de Lyon en 2020, et qui permit au milieu de l’art contemporain de découvrir ses dessins aquarellés, ses sculptures et peintures ? Certes, je n’étais moi-même pas encore Valibri en Roulotte. Mais quand même, je m’en veux. « Son univers met en scène des jeunes hommes à la mine grave, des animaux, des figures de jouets au sexe indéterminée. L’ours Collargol y côtoie des têtes de lapins maquillés, des portraits d’enfants aux yeux vides, des adolescents confrontés à des mésanges, des écureuils, des cerfs, des fougères et autres végétaux », nous raconte Damien Sausset. « Le trait est acéré, les couleurs oscillent entre des ocres, des rouges, des terre de Sienne rehaussés de blancs et parfois de bleus, autant de teintes provenant directement de la nature. La maîtrise technique y est étonnante. » N’hésitez pas, foncez voir le mur qui lui est consacré dans l’exposition consacrée à Lacan à Metz. Ou bien contactez la galerie d’art Alain Gutharc qui le représente à Paris.

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

 

 

Illustration : © EXPOSITION PERSONNELLE LES COEURS ENVOLÉS EDI DUBIEN

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