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Walter Vanhaerents va au bout de ses rêves
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Mars 2024 | Temps de lecture : 27 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Au bout de mes rêves – Vanhaerents Art Collection », qui se tient jusqu’au 14 janvier au Tripostal à Lille.

Dommage, cette exposition spectaculaire est bientôt finie, et peut-être n’avez-vous pas eu l’occasion de passer par Lille depuis le 6 octobre 2023 ? Qu’à cela ne tienne, je vais vous la raconter un peu, et surtout vous raconter l’histoire de la fabuleuse collection de Walter Vanhaerents, cet entrepreneur flamand qui serait devenu sophrologue si le décès de son père et de son frère ne lui avait pas imposé de reprendre l’affaire familiale spécialisée dans la construction et l’immobilier. Sophrologue : vous voyez ? Ce professionnel de la santé mentale spécialisé dans les techniques de relaxation et de gestion du stress ? Eh bien lui, Walter Vanhaerents, il a géré le stress du non-choix de sa vie professionnelle et la charge mentale de devoir gérer l’une des plus grosses entreprises de Belgique… en commençant par collectionner toutes les œuvres d’art à vendre par des artistes belges qui lui plaisaient sur la scène de l’art contemporain. Mais apparemment, ça n’a pas suffit. Alors il a développé aussi une passion pour l’architecture. Et comme il aimait beaucoup l’art, il s’est offert à peu près le tour du monde des plus grands musées, ces cathédrales modernes de l’art. C’est à ce moment-là que, forcément, les seuls artistes belges n’ont plus suffi à Walter Vanhaerents. Il s’est retrouvé fasciné par les propositions radicales d’Andy Warhol, Joseph Beuys ou Gerhard Richter… On était entré dans une nouvelle dimension.

« J’ai eu la chance qu’un collectionneur me reprenne la quarantaine de pièces que j’avais déjà acquises et j’ai dû débourser 25 000 € de plus pour acheter une sculpture cubiste de Jacques Lipchitz », se souvient Walter Vanhaerents, auquel le Tripostal, lieu dédié aux expositions d'art contemporain à Lille depuis « Lille 2004, Capitale Européenne de la Culture », a ouvert grand ses portes en 2023 pour qu’il y montre, comme François Pinault l’avait fait en 2007 et la Saatchi Gallery en 2011, une partie de sa prestigieuse collection. J’ai bien dit une partie. Car il est impossible de savoir précisément combien l’entrepreneur possède aujourd’hui d’œuvres d’art. Sans compter que ses deux enfants ont suivi l’exemple paternel ! « Nous avons chacun notre collection en propre mais, depuis 2020, je leur ai proposé de rejoindre la Vanhaerents Art Collection », explique-t-il. Sans toutefois répondre à la question du nombre d’œuvres d’art que compte précisément cette collection… On peut miser sur plusieurs centaines. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce ne sont en aucun cas des œuvres d’art à vendre ! Monsieur ne spécule pas. Il achète parce qu’il aime. Et ne revend jamais.

« Beaucoup de collectionneurs achètent pour spéculer, certains pour infiltrer les hautes sphères de la société, d’autres pour asseoir leur pouvoir », fait remarquer Natacha Wolinski dans son article pour le numéro de Beaux Arts Magazine paru début janvier. « Walter Vanhaerents a toujours été un électron libre. Sous un air discret et débonnaire, il manifeste un goût avéré du risque et de l’avant-garde, même si ses intuitions précoces l’ont amené à collectionner avant les autres des artistes que tout le monde s’arrache aujourd’hui. » On parle ici d’Ugo Rondinone par exemple, dont le collectionneur belge possède le plus grand nombre d’œuvres d’art au monde ! L’artiste contemporain suisse qui vit et travaille à New York, qui développe depuis le milieu des années 1980 une œuvre polymorphe – sculpture, peinture, photographie, vidéo, poèmes –, dit de son plus grand admirateur qu’il est « un visionnaire qui voyage dans les étendues sauvages de l’art contemporain, loin des conseillers artistiques, du confort et des normes, et qui embrasse la nouveauté ». En même temps, j’imagine qu’un artiste peut difficilement dire du mal de celui qui achète la plus grande partie de ses œuvres d’art à vendre…

Il n’empêche que Walter n’attend jamais que la cote des artistes monte pour acheter leurs œuvres. Il lit beaucoup, se renseigne sur eux, et fait ses achats lui-même. La plupart du temps dans des galeries d’art. Ou en découvrant leur travail dans une exposition, comme celui de David Altmejd dans celle que le Museum of Contemporary Art de Denver, dans le Colorado, consacrait à ses « colosses » en 2007. L’année où l’artiste représentait le Canada à la Biennale de Venise. Ca aide quand même à se faire remarquer. « J’ai acheté toute l’exposition », lâche Walter Vanhaerents. On imagine le bond qu’à dû faire l’artiste en apprenant la nouvelle ! « A l’époque, les six géants n’avaient pas de nom. J’ai dit à David que ce serait bien de leur en donner. J’en ai proposé six, il en a gardé quatre et trouvé deux. » C’était sûrement la moindre des choses… Parce que certes, lui n’attend pas que les cotes montent. Mais en achetant, il les fait drôlement monter ! Vanhaerents est devenu l’un des 200 plus influents collectionneurs mondiaux...

« Dans les années 1990-2000, Walter Vanhaerents a acheté la scène nippone, collectionné les sculptures kawaï de Takashi Murakami, Yoshitomo Nara et Chiho Aoshima », nous apprend la journaliste de Beaux Arts Magazine. D’où un ensemble spectaculaire de ces artistes occupant le premier étage du Tripostal à Lille. Ailleurs un Ugo Rondinone côtoie un Bill Viola, un Jeppe Hein. Depuis une dizaine d’années, le collectionneur se passionne pour la scène américaine. Il se souvient même parfaitement de sa frustration quand la galeriste new yorkaise a refusé de lui vendre un tableau de Kehinde Wiley qu’il trouvait extraordinaire… et qu’il a finalement pu acquérir cinq ans plus tard lorsque la toile est réapparue dans une vente aux enchères. On ne lui fait pas !

Sur le site « Vanhaerents Art Collection », on peut lire que « Walter Vanhaerents aime à dire qu'il achète avec ses yeux et son cœur, pas avec ses oreilles. Par contre, il n'aime pas le terme collectionneur qui, pour lui, évoque les vieux bibelots et les collections de pièces de monnaie ». (Oups, désolée Walter, je dois malgré tout utiliser ce mot de temps en temps pour ne pas faire trop de répétitions.) « Il aborde sa collection sans nostalgie aucune, avec le regard tourné vers le futur, vers tout ce que la passion de l'art peut lui amener. » Ce que note d’ailleurs aussi la journaliste de Beaux Arts Magazine, en relevant dans le bel ouvrage paru en 2023, première monographie réalisée autour de cette collection sous l’autorité du « patron » et qui revient sur cinquante ans d’acquisitions : « J’ai un principe, je regarde toujours vers l’avenir – c’est pourquoi j’ai acquis récemment des œuvres de Dominic Chambers, Alexandre Diop, Kennedy Yanko ou Joy Labinjo – et je ne reviens jamais en arrière », écrit Vanhaerents. « Je n’achèterais jamais aujourd’hui une pièce historique de Bruce Nauman, même si c’est mon artiste préféré. Cela ne m’intéresse pas de revenir sur mes pas pour acheter des œuvres que j’aurais manquées. »

En 2007, il confie au duo d'architectes Robbrecht & Daem le soin de transformer un ancien entrepôt de sanitaires dans un quartier populaire de Bruxelles, autrefois surnommé le Coin du diable, en un écrin pour sa collection. Et il décide d’habiter au-dessus, pour pouvoir descendre le plus souvent possible admirer des œuvres qu’il achète souvent monumentales, histoire de ne pas être tenté de les garder dans son salon. « Parfois, je descends la nuit dans la grande nef, je m’assois dans un fauteuil et je regarde mes œuvres. » La classe.

Oui, Walter Vanhaerents est un collectionneur atypique. Alors si vous avez manqué l’exposition lilloise et ses 75 œuvres signées de 40 artistes originaires du monde entier, pas de panique : rendez-vous dans Dansaert, le quartier de Bruxelles devenu trendy et où devrait d’ailleurs en 2025 s’installer le Kanal-Centre Pompidou. Non seulement il a décidé d'ouvrir (sur réservation) au public les pièces de sa collection rassemblée depuis le début des années 1970, mais en plus il lui arrive d'accueillir et de guider lui-même les visiteurs qui viennent admirer sa collection… Quand je vous dis que c’est la classe.

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

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