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James Lee Byars nous soumet à la question
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Février 2024 | Temps de lecture : 20 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition rétrospective consacrée à James Lee Byars à la fondation Pirelli HangarBicocca, à Milan (Italie) jusq’au 18 février 2023.

Difficile de ne pas être curieuse de ce fantasque « magicien des ors et des jours ». Influencé par Marcel Duchamp, l’art minimal et Fluxus, mais aussi par la culture orientale, le travail de James Lee Byars fait appel à l’écriture, à la performance, au film, à la sculpture et au dessin dans des formes hybrides visant à créer un effet de sidération, entre dérision et solennité. Entre matérialité et immatérialité, l’artiste né Américain à Détroit en 1932, devenu Japonais à Kyoto, puis résident de Venise, avant de mourir au Caire en 1997, un soir de pleine lune, a développé une œuvre énigmatique, empreinte de spiritualité et de mysticisme. La fondation privée d’art contemporain Pirelli HangarBicocca, à Milan, accueille depuis le 12 octobre 2023 et jusqu’au 18 février 2024 une rétrospective de ses œuvres d’art, dont la monumentalité s’épanouit à merveille dans la vaste nef du lieu.

A noter que l’exposition sera ensuite présentée au musée Reina Sofia à Madrid, dans le Palacio Velazquez du parc Buen Retiro du 25 avril au 1er septembre 2024. En attendant, ce n’est pas moi, mais la critique d’art et psychanalyste Annabelle Gugnon, qui est allée voir la version italienne de cette exposition rétrospective pour le magazine d’art contemporain Artpress : son article est à lire dans le numéro de décembre, et je vais me faire le plaisir de vous en partager quelques extraits.

Un peu de biographie en attendant. James Lee Byars commence des études de psychologie et d’esthétique puis, entre 1958 et 1967, effectue de fréquents séjours au Japon au cours desquels il travaille sur les rapports entre rationalisme occidental et mystique orientale. Il devient ensuite nomade, et multiplie à partir des années 1970 les performances dans des lieux publics ou institutionnels européens et américains. Sa première exposition personnelle se tient dans l’escalier de secours du MoMA de New York en 1958 !

Suivent des expositions d’œuvres d’art à vendre à la galerie d’art Willard Gallery en 1961, au Japon à partir de 1962, tandis que d’autres prennent place au Metropolitan Museum of Art en 1970, puis au MoMA en 1976. Il réalise des performances au musée des Beaux-Arts de Berne, en Suisse, point de départ d’autres expositions dans toute l’Europe : Amsterdam, Berlin, Genève, Londres, Paris, Cologne, Venise, Bruxelles, Marseille... Ses couleurs de prédilection – or, rouge, noir et blanc – donnent une dimension poétique et mystique à des créations et des performances qui articulent l’art et la vie, tournées vers la quête du sublime et de la perfection. Les thèmes de l’éphémère, de la fragilité, de l’invisible, de la mort sont présents, se conjuguant souvent à celui de la perfection, par exemple dans The Rose Table of Perfect – une sculpture sphérique de 1989 composée de 3333 roses rouges qui se fanent au fil de l’exposition, The Angel (1989), composée de 125 sphères en verre de Murano montées sur un support sphérique transparent. Splendide.

Forcément, à Milan, « l’atmosphère de l’exposition est d’or, de mythologie, de soie, de perfection, de marbre, de question, d’étoile, de verre, de drapé, d’ange et de voix », nous annonce Annabelle Gugnon, d’entrée de jeu. Il faut se laisser prendre à ses œuvres, se laisser emporter par le lacis de surprises et d’émerveillements, d’énigmes et de magnétismes. Car un parcours symbolique très aiguisé permet au visiteur de vraiment plonger dans l’œuvre de l’artiste cosmopolite, d’autant mieux que le commissaire d’exposition et directeur du Pirelli HangarBicocca, Vicente Todoli, a bien connu James Lee Byars, avec lequel il a d’ailleurs imaginé deux expositions de son vivant, à Valence en 1994, et à Porto en 1997.

« James Lee Byars est un artiste conceptuel, grand hybridateur du minimalisme et du shintoïsme, magicien de quintessence, épigone de la Pythie de Delphes, dandy de la perfection, et manitou de la performance, dans le voisinage d’Yvonne Rainer, du Judson Theater de New York, de John Cage mais aussi du mouvement japonais Gutaï », écrit la critique d’art. «  Plusieurs performances de James Lee Byars sont réactivées au cours de l’exposition chez Pirelli, dont ses vêtements communautaires : à quatre dans une robe (Four in a Dress, 1967), à dix dans un chapeau (Ten in a hat, 1968). Et aussi la performance réalisée, en 1993, à la biennale de Venise, consistant en une distribution au public de dépliants dorés estampillés de l’aphorisme « Your présence is the best work », etc. Difficile cependant de réactiver l’une de ses performances les plus mémorables. Celle de la Documenta V dirigée par Harald Szeemann, à Cassel, en 1972. James Lee Byars, tout de soie rouge vêtu, juché sur le toit du Friedericianum, un musée du 18e siècle, comme un ange flottant entre les grandes sculptures néo-classiques, appelait à forte voix des prénoms à l’aide d’un mégaphone. « Chacun pensait qu’il allait être appelé », se souvient l’artiste Annette Messager. Etre appelé… pour quoi ? Pour qui ? »

C’est cela, James Lee Byars : un producteur de questions. « Je pense qu’en ajoutant un point d’interrogation à une phrase, je la fais passer dans le domaine de l’art ou de la poésie », dit celui qui a conçu en 1969 le Centre mondial de la question, où il souhaitait réunir cent des esprits les plus brillants afin qu’ils se posent mutuellement des questions. Pour lui, la question est l’instrument de la connaissance. « Dans l’exposition », nous raconte Annabelle Gugnon, « gravé des lettres Q et R, un pilier de marbre doré, symbole de la figure humaine, porte le titre The Figure of the Question Is in the Room (1986-89). Dans une salle adjacente, on entend par intermittence la voix de Byars scander « What ? » Plus loin, il est toujours question de la question. Une tente de soie noire abrite une chaise posée sur un damas or et accueille, selon les initiales de son titre, the first totally interrogative philosophy (Hear TH FI TO IN PH Around This Chair and It Knocks You Down, 1977). Cette œuvre est dédiée, un an après sa mort, à Marcel Broodthaers, l’artiste conceptuel belge avec lequel James Lee Byars a collaboré durant plusieurs années. »

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

Illustration : View of James Lee Byars, Pirelli HangarBicocca, Milan, 2023. Foreground: The Door of Innocence,
1986-89. Background: The Figure of Question is in the Room, 1986. Toyota Municipal Museum of Art.
Courtesy The Estate of James Lee Byars; Michael Werner Gallery; and Pirelli HangarBicocca. Photo:
Agostino Osio

 

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