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Le musée de l'Art interdit à Barcelone : un musée où la liberté créatrice défie la censure
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Janvier 2024 | Temps de lecture : 17 Min | 0 Commentaire(s)

Le 26 octobre 2023, un musée révolutionnaire a ouvert ses portes à Barcelone, marquant l'avènement du tout premier musée dédié aux œuvres censurées. Baptisé le "musée de l'Art interdit", cet établissement unique en son genre rassemble près de 200 œuvres d'art qui ont été censurées au nom de la religion, de la morale ou pour des raisons politiques.

Lorsqu'on pénètre dans ce musée captivant, on est immédiatement accueilli par un homme de carton-pâte, habillé en imperméable gris, portant des lunettes noires et une fine moustache. Assis sur une chaise, les mains posées sur les genoux, ce "spectateur de spectateurs" incarne à la fois l'agent de la police politique et le censeur franquiste. Ce mannequin, créé par le collectif d'artistes valenciens Equipo Cronica en 1972, avait pour but de rappeler aux artistes et visiteurs nationaux et internationaux que l'Espagne était alors soumise au contrôle moral, social et politique d'un régime autoritaire. Aujourd'hui, l'un de ces mannequins trône dans le hall du musée, conçu comme un sanctuaire de la liberté de création, en opposition à la censure sous toutes ses formes.

Le musée de l'Art interdit est logé dans la somptueuse Casa Garriga Nogues, un palais moderniste construit en 1900. À l'intérieur, une sélection soigneusement choisie de près de 40 œuvres d'artistes espagnols et internationaux, principalement contemporains, se déploie. Parmi les pièces les plus marquantes, on trouve le portrait en Lego de Filippo Strozzi, fils d'une puissante famille florentine de la Renaissance, réalisé par l'artiste dissident chinois Ai Weiwei. Malgré le refus de la firme danoise de lui fournir les petites briques pour ses œuvres politiques, Ai Weiwei a réalisé cette œuvre exceptionnelle. On peut également admirer une statue du Christ peint aux couleurs de Ronald McDonald, surnommée "McJesus" et créée par le Finlandais Jani Leinonen. Cette sculpture a été l'objet d'attaques à coups de fumigènes par des opposants chrétiens dans un musée en Israël. Le musée propose également des dessins érotiques de la série "347" de Pablo Picasso, ainsi que les scènes de misère et de tortures représentées dans les "Caprichos" de Francisco de Goya. Toutes ces œuvres partagent en commun d'avoir été victimes de censure, que ce soit pour des raisons politiques, religieuses, commerciales, de pression sociale, voire d'attaques violentes.

« McJesus », de l'artiste finlandais Jani Leinonen, avait engendré des jets de cocktails Molotov sur le bâtiment au sein duquel il était exposé en 2019. LLUIS GENE / AFP

« McJesus », de l'artiste finlandais Jani Leinonen, avait engendré des jets de cocktails Molotov sur le bâtiment au sein duquel il était exposé en 2019. LLUIS GENE / AFP

Le musée de l'Art interdit est le fruit du travail acharné de son fondateur, le journaliste et homme d'affaires espagnol Tatxo Benet. Il a entièrement financé la collection du musée, qui a été élaborée au cours des cinq dernières années. Le musée ne couvre pas l'ensemble de l'histoire de l'art, mais se concentre principalement sur les œuvres des XXe et XXIe siècles. Il interroge la persistance et la résurgence contemporaine des problèmes de censure et d'autocensure. Parmi les pièces iconiques exposées, on trouve le provocateur "Piss Christ" d'Andres Serrano, qui continue de susciter des débats sur le blasphème, ainsi que des photographies de Robert Mapplethorpe, célèbre pour ses nus masculins homoérotiques et parfois sadomasochistes des années 1970-1980.

La collection inclut également une œuvre de l'artiste chinois dissident Ai Weiwei, jugée trop politique par la société LEGO, qui a refusé de lui fournir les briques en plastique nécessaires à sa réalisation. De plus, les visiteurs pourront découvrir un portrait nu de l'ancien président des États-Unis, Donald Trump, affublé d'un minuscule pénis, une œuvre qui a valu à l'artiste Illma Gore des menaces de poursuites judiciaires, des refus de plusieurs galeries et même une agression physique. La collection comprend également une œuvre critique de la chaîne de restaurants McDonald's réalisée par Yoshua Okón, qui a été retirée d'une galerie en 2014, ainsi que des dessins réalisés par des prisonniers de Guantánamo. Une exposition de ces dessins en 2017 avait incité le gouvernement américain à déclarer que plus aucune œuvre ne devrait sortir intacte de ce camp d'internement. Enfin, les visiteurs pourront admirer l'installation "Silence Rouge et Bleu" de l'artiste franco-algérienne Zoulikha Bouabdellah, associant trente tapis de prière et autant de paires de chaussures à talons aiguille. Cette installation avait été retirée en 2015 d'une exposition à Clichy-la-Garenne suite à des plaintes d'associations musulmanes.

Le musée de l'Art interdit offre un parcours varié que son fondateur décrit comme "un triomphe de la liberté d'expression" à une époque marquée par la "cancel culture". En cette ère où la censure est omniprésente, ce musée unique représente un havre de liberté pour les esprits rebelles, un lieu où l'art interdit trouve enfin sa place.

Pour plus d'informations sur le musée de l'Art interdit, vous pouvez visiter leur site web officiel à l'adresse www.museuartprohibit.org. N'attendez plus, plongez dans ce monde fascinant où l'art défie la censure et célèbre la liberté de création.

 

Crédit : Zanele Muholi/Courtesy of the artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York.

 

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