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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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La peinture multidimensionnelle du XVIIe siècle
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Janvier 2024 | Temps de lecture : 24 Min | 1 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Allegoria, les clés de la symbolique baroque », à voir jusqu’au 14 janvier 2024 au Domaine départemental de Sceaux (92)

Je ne sais pas vous, mais moi c’est le genre d’exposition qui me met l’eau à la bouche ! A la fois ludique et instructive, visible à tous les degrés, « Allegoria, les clés de la symbolique baroque » me donne évidemment l’irrépressible envie d’aller poser ma roulotte sur le grand parking très pratique du Domaine départemental de Sceaux, en région parisienne. Repérer les objets symboliques dans les œuvres d’art, toutes ces allégories permettant d’évoquer des concepts abstraits, de faire moins peur aux simples mortels et d’élever la pensée en représentant « tout simplement » des objets, des plantes, des animaux… ca me fascine. De plus en plus d’ailleurs. Une question d’âge peut-être ? On va plutôt dire une question d’expérience (si j’avais pu, je vous aurais glissé ici un smiley qui rigole, bien sûr). N’empêche que dénicher un éléphant incongru dans le décor, un chameau ou un coquillage… ça me paraît un jeu amusant pour les enfants aussi, n’est-ce pas ?

Bref, « l’exposition Allegoria propose un parcours didactique qui captivera petits et grands », comme nous l’annonce le beau site internet de ce domaine que personnellement, je ne connaissais pas encore. D’abord il y a cet immense parc historique, ancienne propriété de Colbert au XVIIe siècle, œuvre d’André Le Nôtre et restauré par Léon Azéma dans les années 1930. Il est devenu un bel exemple de jardin à la française tout en offrant un judicieux espace vert urbain propice à la détente, au sport, aux jeux et aux festivités. Ensuite, il y a le château, construit au XIXe siècle et devenu musée en 1937. Y sont depuis réunies d’innombrables œuvres d’art, témoignant de l’histoire du site et de ses propriétaires successifs depuis Colbert. Gravures, dessins, tableaux, sculptures, vaisselle, orfèvrerie, mobilier, manuscrits, décors… on ne compte plus les trésors qui furent des œuvres d’art à vendre avant d’arriver dans cette splendide collection, complétée par certains autres provenant du musée Carnavalet. Et puis il y a aussi le « pavillon de l’Aurore », qui fait lever les yeux au ciel pour admirer sa fameuse coupole décorée par Charles Le Brun, une magnifique orangerie conçue par Jules Hardouin-Mansart, des écuries réhabilitées en espaces d’accueil et d’exposition… sans oublier deux autres joyaux du domaine : le « petit château » et le « pavillon de Hanovre ».

Mais après cette belle balade à l’air libre, venons en au parcours d’exposition temporaire passionnant qui nous révèle l'ADN des allégories, des premiers symboles aux plus belles peintures du XVIIe siècle. Que signifiaient donc l’éléphant, l’obélisque, l’abeille, la tulipe, le rameau de chêne ou le chameau, l’œuf d’autruche, le tournesol ou le coquillage ? Vous trouverez les réponses à travers des objets, des livres anciens, et surtout un exceptionnel florilège de tableaux du XVIIe s.

Les œuvres présentées proviennent de collections privées, de plusieurs musées des Beaux-Arts (Rennes, Quimper, Tours et Orléans), du musée du Grand Siècle, du musée du Domaine départemental de Sceaux, ainsi que des Archives des Hauts-de-Seine. L'exposition est préparée par Cloé Aknin, chargée des expositions, et Céline Barbin, conservatrice du patrimoine. Le commissariat est assuré par Dominique Brême, directeur du Musée du Domaine départemental de Sceaux.

Avant d’arriver à la galerie de peintures allégoriques, et de décrypter Le Temps coupant les ailes de l’Amour, de Pierre Mignard (plutôt que de s’offusquer à la vue d’un vieillard maltraitant un bébé), de partir dans une méditation vertigineuse devant Vanité, la toile de Simon Renard de Saint-André, de découvrir la hiérarchie des genres en histoire de l’art avec le tableau de Nicolas Loir, Apollon présentant le portrait de Colbert aux différents genres de peinture, de comprendre avec le tableau de Jean-Baptiste de Champaigne ayant pour titre la citation Sine Cerere et Baccho friget Venus (Sans Cérès et Bacchus, Vénus a froid) qu’il s’agissait là d’un prétexte idéal et décomplexé pour vanter les débordements sensuels et représenter des nus voluptueux… je vous recommande de ne pas abréger la première partie de l’exposition, très didactique, certes, mais qui vous permettra de vous immerger avec gourmandise dans les œuvres d’art. Avec surtout un œil neuf. Car vous allez « entrer dans le secret des dieux ». J’exagère à peine !

Cette sensation d’une remise des clés permettant d’élucider les rébus visuels qui ornaient tous les intérieurs des érudits d’autrefois a quelque chose de délectable. « Genre le plus prisé de la peinture au XVIIe siècle, l’allégorie connaît un essor spectaculaire et se répand comme une traînée de poudre dans les cabinets d’amateurs, mais surtout dans le grand décor qui vit son apogée à la faveur des innombrables chantiers de construction de palais et d’hôtels particuliers en France », écrit Isabelle Manca-Kunert dans le numéro de novembre du magazine L’Oeil. « Laurent de La Hyre, l’un des artistes les plus en vue de l’époque, se fait le chantre de ces dissertations imagées. Il conçoit pour l’hôtel Tallemant un cycle iconographique foisonnant composé des sept allégories des arts libéraux, dont L’Astronomie, qui constitue un des sommets du genre. » Ainsi, dans ce tableau peint vers 1650, la science est-elle reconnaissable à son compas, sa sphère armillaire, son cadran solaire portatif ou son calendrier lunaire. Tandis que le manteau étincelant de bleu pour évoquer le firmament a dû couter beaucoup en pigments purs de lapis-lazuli à l’artiste !

Le langage symbolique se retrouve en réalité dès l'Égypte ancienne, à travers les écritures figuratives ou hiéroglyphes. Du signe à l'emblème, il utilise des thèmes tels que la si mal nommée en français « nature morte » (vie immobile en termes plus justes), le langage des fleurs, les insectes, les proverbes et fables… Ce langage a été codifié par des textes, et en particulier par l’Iconologia de Cesare Ripa : c'est ainsi que le genre est né. Attaché à la cour du cardinal A. M. Salviati en qualité de majordome, Ripa (de son vrai nom Giovanni Campani) est l'auteur de cet unique ouvrage baptisé en français « Iconologie », publié en 1593, dont l'influence sera profonde sur la pensée artistique et littéraire de deux siècles. Il s'agit d'un recueil de personnifications allégoriques de vertus, de vices, de tempéraments, de passions, qui met à contribution la littérature ancienne sur les hiéroglyphes, la physiognomonie, les emblèmes, le symbolisme des couleurs, les bestiaires et les encyclopédies du Moyen Âge.

Le parcours de l’exposition du Domaine de Sceaux introduit donc les ouvrages qui ont inspirés cette fameuse Iconologia : traité sur les hiéroglyphes d’Horapollon repris par Valeriano, livre d’emblèmes d’Alciati… et autres livres anciens sous vitrine, prêtés par la bibliothèque des Archives départementales André-Desguines et celle du musée du Domaine de Sceaux. Ca peut paraître un peu abscons et rébarbatif, je vous l’accorde ! Mais s’initier (modestement) aux sources et au manuel de Ripa, pour que le langage symbolique devienne accessible… c’est tentant, non ?

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

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Amalia MEREU / Private.area_artist
02/01/2024 (12h45)
Bravo Valibri! Belle description de cet ART sorti de l'imagination humaine! et de ce magnifique domaine avec cette exposition fantastique! Tous mes compliments Amalia Mereu
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Exemple : Galerie spécialisée en Pop Art