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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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Promenons-nous dans les bois…
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Décembre 2023 | Temps de lecture : 24 Min | 0 Commentaire(s)

Balade dans l’univers encré et boisé d’Astrid de La Forest, à l’occasion des expositions qui viennent de lui être consacrées à Vevey (Suisse) et à Yerres (91).

Une artiste qui s’appelle « de La Forest », dont l’atelier inondé de lumière s’ouvre sur de grands arbres cachant la Seine, dont les toiles sont peuplées de frondaisons d’encre et de papier… Je ne sais pas vous, mais moi ça me fait fantasmer. Ca me donne envie d’aller poser ma roulotte dans cet « ermitage si proche et si loin de la capitale agitée », comme l’écrit Valérie Bougault pour le numéro d’octobre de Connaissance des arts. D’aller visiter cet antre mystérieux au bord de l’eau, niché dans un ancien hangar à bateaux. D’aller semer des petits cailloux en allant me perdre dans les bois. De prendre un gros pinceau pour jeter des signes de calligraphie japonaise sur des parchemins…

En attendant de faire tout ça, peut-être, la lecture du bel article de Valérie Bougault est déjà réjouissante. Surtout si on n’a pas eu le temps d’aller jusqu’à Vevey (Suisse) pour voir les expositions « Astrid de La Forest. Figures du vivant » et « Gardiens du silence » au musée Jenisch, qui fermaient leurs portes le 29 octobre. On y apprend par exemple que, née en 1962 à Paris, Astrid de La Forest, est une artiste française, peintre et graveur, travaillant au milieu « des hydrangeas et des pivoines à profusion qui n’auraient pas déplu à Caillebotte », que « la promiscuité avec la rivière aurait ravi Monet », et qu’« Edgar Degas, lui, n’aurait eu d’yeux que pour les grandes gravures, fasciné par le combat du noir et du blanc, l’infinie poésie des traits enchevêtrés ». Voilà qui en impose !

La journaliste ne cache pas qu’ « évoquer le saint patron des graveurs fait sourire l’artiste, dressée au milieu de ses œuvres, enveloppée de son tablier bleu nuit comme d’une armure de campagne. » Et Valérie Bougault ne se prive pas de suivre avec attention « la danse de ses mains qui s’emballent, liant et déliant les mots », tandis qu’une « lueur espiègle passe dans son regard en perpétuelle alerte ». Bref, la journaliste de Beaux Arts Magazine se régale, nous fait partager sa rencontre avec l’artiste en même temps que la visite de son atelier, où « l’air sent l’encre et le jasmin ». Et comme elle écrit vraiment très bien, nous aussi on se régale…

« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par la gravure, par l’expressivité du noir, tellement percutant chez les expressionnistes allemands ou chez Munch », lui confie Astrid de La Forest. « J’ai été captivée par l’estampe sans abandonner tout à fait la peinture. Dans la pression de la presse j’ai trouvé une alliée, et un geste qui a révélé des choses que je ne soupçonnais pas. C’est un vrai ravissement quand on soulève les langes de la presse et qu’on découvre ce qu’on a fait. »  Plus loin, l’artiste révèle que finalement, même s’il possède une alchimie pleine de mystère, elle travaille le monotype comme une peinture. « Il y a ce phénomène du fantôme : après le premier passage, tout s’efface et pourtant une nouvelle feuille pressée révèle une présence invisible. Une image très pâle qui aurait dû être perdue et qui peut devenir la matrice d’une nouvelle image. Sur la plaque, je retrace une nouvelle peinture et je réimprime, je livre la même feuille à plusieurs passages, trois ou quatre,  et soudain la sortie de la presse dévoile des repentirs qu’on croyait avoir enlevés et qui reparaissent comme des strates. Il m’est arrivé aussi, en Suisse, de rapporter de mes promenades des monotypes faits sur le motif qu’on imprimait à l’atelier et, à partir de l’épreuve fantôme, je réimprimais après avoir gravé sur la matrice à la pointe sèche. Le mélange des techniques permet d’infinies variations. »

Il règne comme un parfum d’urgence dans la pratique d’Astrid de La Forest. Après ses études à l'ESAG Penninghen, établissement parisien renommé proposant des formations aux Arts appliqués, Astrid de La Forest a collaboré un temps sur les décors de théâtre au Théâtre des Amandiers, auprès de Richard Peduzzi, et même comme portraitiste d'assises pour la chaîne de télévision alors nommée Antenne 2 (ex-France 2). Ce qui témoigne d’un indéniable talent de dessinatrice et d’un coup de crayon rapide. Elle s'est ensuite totalement consacrée à la peinture d'abord, puis à la gravure à partir de 1995, quand elle s’est installée en Bourgogne. Elle a été formée dans les ateliers de l’imprimeur Lacourière-Frélaud à Paris, et de Raymond Meyer à Pully, en Suisse. Elle a rencontré Jean-François Reymond, l’artiste qui l’a initiée à l’utilisation du carborundum. Elle comprend immédiatement que c’est ce qu’elle cherche. Une sorte de peinture imprimée. « C’est cet « en même temps » qui la caractérise : nécessité de la solitude pour créer, et bonheur de la convivialité bruyante de l’atelier, dans l’odeur de l’encre et du papier », écrit Valérie Bougault.

Pour ses œuvres d’art à vendre, Astrid utilise donc plusieurs techniques de gravure : eau-forte, aquatinte, pointe-sèche et carborundum, qu'elle pratique soit seules, soit associées, en épreuve unique (monotype) ou en tirage limité. Elle favorise les sujets pris sur le motif - paysages, montagnes, champs, arbres - ainsi que les sujets animaliers. Car Astrid aime voyager et s'immerger totalement dans de nouveaux environnements. Elle a ainsi effectué de nombreuses résidences d'artistes au Maroc, en Tasmanie, au Japon, en Irlande, elle a aimé les rivages du Donegal, les coteaux du Lavaux en Suisse… Elle expose désormais ses œuvres d’art à vendre en Suisse, en Angleterre et à Paris, à la galerie d’art La Forest-Divonne et à la galerie d’art Documents 15. Tout en enseignant l’art plastique à l’ENSA Paris-Belleville auprès de la nouvelle génération de graveurs. Membre de l’Institut de France depuis juin 2016, elle est la première femme élue à l’Académie des Beaux-Arts en section Gravure, au fauteuil de Louis-René Berge (1927-2013). À l'occasion de sa cérémonie d'installation à l'Académie des Beaux-Arts et de la parution de son catalogue raisonnée, la Galerie Documents 15 lui a d’ailleurs consacré une grande exposition rétrospective de son travail d'estampes en 2018.

Une section de l’exposition « Gardiens du silence » au musée Jenisch de Vevey était consacrée aux Pins de Rome, suite récemment gravée par Astrid de La Forest lors de son séjour à la Villa Médicis. L’exposition, réunissant à la fois des feuilles issues des collections du Musée Jenisch Vevey enrichies de prêts extérieurs, avait un but : exalter la beauté de l’arbre, qu’il soit dessiné, gravé, peint, sculpté ou encore photographié. C’est en favorisant une déambulation poétique, adoptant le point de vue des artistes qui y ont vu un miroir, un refuge, une source d’inspiration matérielle et métaphorique illimitée, que le Musée Jenisch Vevey a rendu hommage à ces gardiens de l’humanité. L’exposition est terminée, mais il reste toujours les balades en forêt…

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

 

Illustration : Astrid de La Forest dans l'atelier de Raymond Meyer ©Cynthia Mai Ammann

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