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Méduse de l’Antique au numérique
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Juillet 2023 | Temps de lecture : 26 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Sous le regard de Méduse. De la Grèce antique aux arts numériques » visible au musée des beaux-arts de Caen jusqu’au 17 septembre.

Gorgone… Méduse… Les images sur fond noir sont saisissantes. Les œuvres d’art présentées par le magazine Connaissance des arts pour son portfolio du mois de mai sont à retrouver dans une exposition qui ne l’est pas moins, au musée des beaux-arts de Caen. On vous laisse imaginer les yeux exorbités et les reptiles grouillants ! Voire les têtes décapitées…  « Sous le regard de Méduse. De la Grèce antique aux arts numériques » est visible depuis le 13 mai et jusqu’au 17 septembre. « Un thème iconographique fécond, d’origine grecque, qui permet d’illustrer plus de deux millénaires de création artistique », annonce le journaliste Hervé Grandsart en avant-propos de sa sélection iconigraphique.

Figure incontournable de la mythologie grecque, Méduse a exercé son pouvoir de fascination sur de nombreuses générations d’artistes qui ont contribué à la création d’un répertoire d’images d’une richesse inouïe. Communément reconnaissable à sa chevelure grouillante de serpents et ses yeux écarquillés, la figure de Méduse n’a cessé de se renouveler à travers les âges. L’exposition du musée des Beaux-Arts de Caen est consacrée à l’évolution de ces représentations, des premières sources iconographiques de l’Antiquité jusqu’aux productions artistiques les plus récentes.

Le parcours réunit donc soixante-cinq œuvres conservées au sein de collections françaises et internationales, réalisées par les plus grands artistes. Depuis Crésilas, sculpteur de l’Antiquité grecque, jusqu’aux artistes actuels : Benvenuto Cellini, Sandro Botticelli, Pierre Paul Rubens, Gian Lorenzo Bernini, Adèle d’Affry, Jean-Marc Nattier, Theodor van Thulden, Maxmilián Pirner, Franz von Stuck, Edward Burne-Jones, Antoine Bourdelle, Auguste Rodin, Alberto Giacometti, Luciano Garbati, Laetitia Ky, Dominique Gonzalez-Foerster... L’exposition embrasse les champs de la peinture, de la sculpture, du dessin, de l’estampe, de la photographie, des arts décoratifs, du cinéma et des jeux vidéo. Ces éclairages multiples alimentent une vision riche, paradoxale et actualisée de cette figure fascinante, plusieurs fois millénaire.

Le portfolio de Connaissance des arts sur fond noir s’ouvre sur Medusa, une peinture sur carton carrée de Franz von Stuck datant de 1892. « Censée pouvoir pétrifier ses ennemis du regard avec sa chevelure grouillante de reptiles, la figure mytologique de Méduse marquait, de façon allégorique, l’effroi devant la mort incarnée par une toute puissance féminine fantasmée », écrit Hervé Grandsart. « Nourri du courant symboliste et de l’esthétique 1900, le peintre allemand Franz von Stuck (1863-1928) donne ici l’image d’une méduse hors du temps vouée à hypnothiser le spectateur, pour le meilleur ou pour le pire. »

Dans les premières versions écrites du mythe, Méduse est une divinité primordiale terrifiante, petite-fille de la Terre (Gaïa) et de l’Océan (Pontos), mentionnée sous le nom de Gorgone. Elle est, des trois sœurs Gorgones, la seule qui soit mortelle. Une première variation, introduite dès le Ve siècle avant notre ère, voit en Méduse une figure d’une grande beauté qui, après s’être unie à Poséidon dans le temple d’Athéna, subit la terrible punition de cette dernière. Méduse est une figure particulièrement ambiguë et paradoxale, et c’est bien ce qui fait tout son succès : à la fois instrument de mort, par son regard pétrifiant tous ceux qui le croisent, et symbole de vie, puisque de sa tête sacrifiée naissent le cheval Pégase et le géant Chrysaor.


Au cours des siècles, les lectures du mythe évoluent, faisant subir à Méduse de multiples métamorphoses qui font d’elle le reflet des peurs et des fantasmes de la société occidentale. Pour les Grecs, elle est d’abord l’incarnation de la terreur, une vision insoutenable de la mort. La période médiévale, marquée par la morale chrétienne associant sexualité et péché, assimile Méduse à une beauté séductrice. À la Renaissance, son visage horrifique devient une métaphore de l’Art et de sa puissance visuelle. Méduse développe un caractère mélancolique au 19e siècle puis, pour les préraphaélites anglais et les symbolistes, devient une jeune femme à la beauté rêveuse. Elle témoigne de l’accablement qui gagne les artistes face à la modernité industrielle, reprend sa puissance mortelle avec les atrocités du 20e siècle et se renouvelle finalement à Hollywood et dans le jeu vidéo où elle trouve un nouveau terrain fertile, grâce aux effets spéciaux. Quelle sera la prochaine mutation de Méduse ? Il se pourrait qu’elle incarne un principe d’insoumission à l’ordre aussi bien qu’un féminisme militant... A l’image des sorcières.

Un peu comme La Gorgone Méduse, d’Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione Colonna, dite « Marcello », qui a les honneurs d’une pleine page dans Connaissance des arts. Un marbre de 90 cm de haut sculpté en 1865. « Grâce à sa fortune et son rang, la duchesse de Castiglione Colonna (1836-1879), née Adèle d’Affry, put, sous le nom de Marcello, pratiquer la sculpture et obtenir la reconnaissance du milieu artistique sans avoir suivi le cursus académique habituel », explique la légende. « Evoquant davantage une femme forte qu’un monstre fatal irréfléchi, ce buste, connu en plusieurs exemplaires depuis 1865, fut commandé par Napoléon III. » Objet d’éloges lors de sa première exposition parisienne en 1865, l’œuvre suscita de nouvelles critiques enthousiastes l’année suivante à Londres, parmi lesquelles ce beau portrait dressé par Théophile Gauthier : « C’est vraiment une œuvre originale et fière que la Gorgone de Marcello. Quelle amertume et quel dédain superbe dans cette tête d’une beauté méchante qui secoue orgueilleusement sa coiffure de vipères et se dresse au bout d’un col, d’une longueur et d’une flexuosité serpentines. Quelle grâce terrible et quel attrait inquiétant. Elle fait peur et elle fascine comme les reptiles qui se tordent autour de son front plein de sombres et venimeuses pensées. Malgré son horrible chevelure, cette Gorgone a un charme étrange : c’est un monstre et c’est une femme [...]. »

Le magazine continue à dérouler sa galerie d’art sur papier glacé en y présentant Persée, une huile sur toile de Joseph-Paul Blanc (1845-1904) qui valu au peintre d’être récompensé au Salon de 1870, sur laquelle figure Persée monté sur Pégase et brandissant victorieusement la tête tranchée de Méduse, de laquelle il détourne soigneusement le regard. Un bouclier de parade partage la même page, une rondache à la Méduse issue des ateliers milanais du XVIe siècle sur laquelle la tête de Méduse fait figure de trophée en partie centrale, encadrée d’ailettes évoquant celles du casque de Persée et devenant signe d’invulnérabilité et de protection.

Sur les pages suivantes sont visibles la Coupe à yeux attique à figures noires, une terre cuite de 510 avant J.-C. exhumée en Italie par Lucien Bonaparte et évoquant les Gorgones, mais aussi la fameuse Méduse décapitée de Rubens (1577-1640), à qui était revenu le soin de peindre à la suite de Vinci (œuvre perdue) et Caravage, une figure de Méduse portée à un acmé d’horreur avec sa tête à échelle humaine concentrant la lumière. Difficile d’imaginer que des collectionneurs se soient portés acquéreurs de cette terrifiante œuvre d’art à vendre… mais si ! Ce tableau fit partie des collections du duc de Buckingham, œuvres d’art vendues à Anvers en 1648. Enfin, la Tête de Méduse de Giacometti (1901-1965), conçue en forme de masque avec l’aide de son frère pour être une figure d’applique, côtoie sur la dernière page le pastel rouge et bleu de Zhang Yunyao, Floating II, que l’artiste né à Shangai en 1985 a réalisé en 2020.

Illustration : Franz von Stuck, Medusa, C. 1892
Conception graphique Studion Martes 2023

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