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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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La peinture figurative est contemporaine
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Juin 2023 | Temps de lecture : 23 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Voir en peinture. La Jeune Figuration en France » qui se tient jusqu’au 28 mai au musée de l’Abbaye Sainte-Croix, musée d’art moderne et contemporain des Sables-d’Olonne.

Longtemps considéré comme le parent pauvre de la création contemporaine, la peinture est actuellement un médium choisi et revendiqué par nombre de jeunes artistes qui en renouvellent l’attrait. Il suffit de faire un tour des galeries d’art et des foires d’art contemporain pour constater que les œuvres d’art à vendre sont de plus en plus souvent figuratives, au sens où elles représentent des figures, des objets ou des paysages, mais toujours en exprimant quelque chose de plus. Car une peinture figurative réussie est une peinture qui porte autant de charge émotionnelle, de symbolisme et de second degré qu’une peinture abstraite. Peinture figurative et peinture abstraite ne sont donc pas des sœurs ennemies. L’antagonisme supposé entre figuration et art contemporain n’a plus lieu d’être. Et l’on sait gré aujourd’hui à des peintres figuratifs comme Bernard Buffet et plus tard Robert Combas d’avoir su maintenir le cap en renouvelant avec brio la peinture figurative.

Dans les dernières décennies, alors que peu de centres d’art, de FRAC ou de musées lui consacraient leurs cimaises, quelques institutions – parmi lesquelles le MASC figure en bonne place – ont su défendre des peintres de différentes générations. Au sein des écoles des Beaux-Arts, qui pendant longtemps n’ont eu que peu de peintres dans leurs corps professoraux, c’est grâce à quelques « outsiders » que cet art continue à être enseigné. Autour de ces artistes, tels Denis Laget à Saint-Étienne, Jean-Michel Alberola, Philippe Cognée et François Boisrond, Nina Childress à Paris, Laurent Proux à Toulouse, Marc Desgrandchamps à Lyon ou François Maurige, François Perrodin et Guillaume Pinard à Rennes, de nouvelles générations viennent enrichir le langage pictural.

L’exposition du MASC met en lumière ces pratiques, qui revendiquent une nouvelle peinture d’histoire ou tissent des liens avec la littérature ou l’histoire de l’art, autour du travail d’une trentaine de peintres nés dans les années 1980.

Leurs œuvres, fraîchement réalisées et choisies par la commissaire directement dans le secret de l’atelier, portent la marque de la « physicalité » de la peinture, medium qui implique bien entendu une « cosa mentale » mais aussi une présence physique, tributaire d’éléments intrinsèques (tels que les dimensions, le support, la matière ou les couleurs de l’œuvre) mais aussi de facteurs extérieurs qui déterminent ses conditions de présentation sur la cimaise et son rapport à l’espace environnant.

Sont visibles au MASC des œuvres de : Marion Bataillard, Louise Belin, Guillaume Bresson, Nadjib Ben Ali, Mireille Blanc, Elvire Caillon, Ymane Chabi-Gara, Clémentine Chalançon, Mathieu Cherkit, Corinne Chotycki, Jean Claracq, Cyril Duret, Valentin Guichaux, Aurélie de Heinzelin, Nathanaëlle Herbelin, Simon Leroux, Thomas Levy-Lasne, Jérémy Liron, Clémentine Margheriti, Simon Martin, Eva Nielsen, Ainaz Nosrat, Marius Pons de Vincent, Laurent Proux, Shu Rui, Christine Safa, Louise Sartor, Manon Vargas, Marine Wallon, Miranda Webster.

« Il ne fait plus de doute que le médium est devenu une pratique d’actualité », constate Marine Schütz dans son analyse intitulée « Le retour du retour », parue ce mois-ci dans le magazine d’art contemporain Artpress. La maîtresse de conférence en histoire de l’art contemporain à l’université de Picardie Jules Verne, dont les recherches portent sur le dessin contemporain, le pop art et les productions artistiques contemporaines autour de la mémoire coloniale, observe que « les expositions sur la figuration se multiplient, notamment en Grande-Bretagne ». L’intérêt porté à une figuration permettant aux artistes de comprendre leur époque et de négocier l’anxiété du virtuel oriente clairement le propos de l’exposition actuellement visible aux Sables-d’Olonne mais qui a été également organisée par le musée Estrine, de Saint-Rémy-de-Provence et le musée des beaux-arts de Dole. « Face à la saturation d’images, la peinture est sans doute une réponse à ce trop-plein avec sa lenteur, son silence, son intensité, sa gravité », écrit Anne Dary, commissaire scientifique de l’exposition.

Comme le fait remarquer Marine Schütz, « l’idée que les artistes choisissent la peinture pour sa capacité, par sa matérialité propre, à mettre en tension les dynamiques de flux temporels et d’images de masse qui caractérisent l’époque est un motif déjà ancien. Benjamin H.D. Buchloh y voyait en 2000 le signe des transformations de l’art en contexte postcapitaliste, quand il décrivait l’art de la « défiguration » chez Raymond Pettibon », l’artiste plasticien américain issu de la scène punk-rock. « La tonalité monumentale des compositions historiques que Guillaume Bresson se réapproprie dans ses scènes urbaines fait écho aux citations plus ou moins explicites que les artistes font à l’histoire de la peinture. A cet égard, la comparaison établie par Didier Semin dans le catalogue d’exposition entre la toile de Marion Bataillard Tout s’accomplit (2020-21) et le Christ et les deux Maries (1847/97) de William Holman Hunt est très éclairante. Il souligne la reprise du motif de l’arc-en-ciel, traité à la Ellsworth Kelly, et du rayonnement de la figure principale. Dans cette scène de fête, Marion Bataillard explore la possibilité infinie qu’offre la peinture pour inscrire les apparences contemporaines dans le temps plus long qu’est celui de l’histoire de l’art. »

Comme les saisons, on sait bien que tout fonctionne par cycles. Rien d’étonnant donc à ce que la peinture de paysage retienne à nouveau aujourd’hui avec tant de force l’attention de la jeune figuration. Surtout à l’heure où l’environnement retient l’attention générale. « Là où la Documenta 13 (2012) exposait l’importance des techniques postmédia pour sonder le tournant anthropocène, la peinture ne s’en impose pas moins comme un champ que certains se réapproprient, comme Thomas Lévy-Lasne, à l’aune de convictions écologiques. L’exécution de champs colorés produits sur des grands formats (Jérémy Liron) ou des surfaces lavées (Nathanaëlle Herbelin) traduisent l’action sur la forme de processus fondés sur la mémoire et l’observation de la nature. Louise Belin, Valentin Guichaux ou Mathieu Cherkit font toutes et tous le choix d’expérimenter le genre du paysage de première main, à partir de processus qui mettent très précisément en cause le conditionnement qu’impose à l’œil la circulation permanente des images trouvées. »

Si la peinture était autant raillée dans les écoles d’art des années 1980, c’est que les nouveaux médias apportaient un gigantesque souffle d’air nouveau. Mais les choses sont naturellement en train de se rééquilibrer. Les œuvres d’art à vendre de la scène figurative française actuelle se retrouvent presque systématiquement sur les cimaises des galeries d’art les plus renommées lorsque leurs peintres sortent d’un atelier réputé comme ceux de Philippe Cognée, Tim Eitel, Jean-Michel Alberola, François Boisrond, Nina Childress, Daniel Schlier, Loïc Raguénès, Piotr Klemensiewicz ou Denis Laget.

 

Illustration : création graphique : Philippe Ducat - Ville des Sables d'Olonne

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