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La Cité du Vitrail laisse entrer la lumière à Troyes
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Mai 2023 | Temps de lecture : 31 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’ouverture au public de la Cité du Vitrail à Troyes le 17 décembre dernier.

La lumière magique des vitraux a désormais son écrin qui brille de mille feux. Une galerie d’art à nulle autre pareille. A Troyes, dans le département de l'Aube, La Cité du Vitrail a enfin rouvert ses portes en décembre dernier après plusieurs années de travaux. Travaux qui avaient encore été retardés par la pandémie de Covid et qui semblaient ne jamais devoir finir. Inutile de vous dire que les amateurs de belles choses piaffaient d’impatience ! Car l’Aube est connue pour concentrer un patrimoine incomparable : pas moins de 9.000 m2 de vitraux anciens, c’est-à-dire antérieurs à la Révolution française, y ont été épargnés par les conflits. Plus de 2.000 baies vitrées sont ainsi protégées aujourd’hui au titre des Monuments historiques, dont près de la moitié ont été exécutées durant la Renaissance. Mais il convient d’y ajouter les chefs-d’œuvre de l’art contemporain, tout de verre, de couleur et de lumière que l’on retrouve semés tout au long des églises du département, nés de l’association des maîtres verriers d’aujourd’hui avec des artistes contemporains particulièrement inspirés. « Inutile de chercher un équivalent, c’est un cas absolument unique en France et même en Occident », écrit Isabelle Manca-Kunert dans le magazine L’Oeil du mois de mars.

 

En plus de 350 édifices civils et religieux, depuis la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes jusqu’aux églises rurales du territoire en passant par des hôtels particuliers, l’ensemble des verrières offre un panorama complet de l’art du vitrail du XIIe au XXIe siècle, avec une exceptionnelle représentation du XVIe siècle et du XIXe siècle. Cette richesse et cette qualité du patrimoine vitré conservé permettent à l’Aube de légitimement revendiquer ce titre de « terre européenne » du vitrail.

 

« Cette incroyable densité fascinait déjà les observateurs sous l’Ancien Régime », note la journaliste. Au XVIIIe siècle en effet, l’un des premiers historiens de l’art du vitrail, Pierre Le Vieil, remarquait ainsi cette originalité : « Il n’est peut-être pas de canton en France qui renferme des vitres peintes aussi précieuses et en si grand nombre que la ville de Troyes en Champagne et ses environs. » Ce sont surtout les créations de l’âge d’or aubois qui à l’époque se taillent la part du lion. Ce fameux « beau XVIe », époque où la situation politique et économique de la Champagne atteint son apogée, offrant une ère de paix et de prospérité propice à une émulation artistique. Véritable carrefour commercial, la région « s’impose comme un brillant creuset où se croisent les artistes venus d’Italie et d’Europe septentrionale, appâtés par les innombrables chantiers qui animent le territoire ». Là où il y a richesse, il y a commande d’œuvres d’art… et donc œuvres d’art à vendre. Entre les incontournables vitraux de l’église Sainte-Madeleine à Troyes et les exceptionnelles verrières d’Ervy-le-Châtel, où l’on peut notamment admirer la baie des Triomphes, réalisée en 1502 et illustrant les célèbres poèmes de Pétrarque, l’éventail est large des exemples spectaculaires de vitraux de la Renaissance.

 

« L’autre singularité du territoire est l’extraordinaire concentration de créations modernes et contemporaines qui le ponctuent, y compris dans de modestes villages », constate Isabelle Manc-Kunert, citant notamment « la Mecque des amoureux du vitrail contemporain, l’église Saint-Pierre-Saint-Paul de Villenauxe-la-Grande » qui renferme vingt-quatre baies dessinées par David Tremlett, et « les vitraux en grisaille et jaune d’argent sur verre ondulé et armé conçus par Jean-Claude Vignes » pour l’église Sainte-Agnès de Fontaine-lès-Grès. Sans parler des tous récents vitraux signés de Fabienne Verdier pour le chœur de l’église Saint-Laurent de Nogent-sur-Seine, où le musée Camille Claudel a pour l’occasion consacré une belle exposition des autres œuvres d’art de l’artiste contemporaine.

 

Depuis que le rideau s’est enfin levé sur les trésors qu’abrite la Cité du Vitrail, ceux qui en franchissent le seuil sont aussi émerveillés par la qualité des œuvres d’art exposées que par la pédagogie qui s’y déploie. De multiples dispositifs didactiques permettent en effet de se familiariser avec les techniques singulières de cet art ancestral, que l’art contemporain n’a pas manqué de reprendre à son compte, comme en témoigne le Saint-Amélie de Kehinde Wiley, offrant une étonnante relecture de vitraux religieux d’Ingres, en y intégrant un vocabulaire résolument contemporain puisant ses sources dans la culture urbaine.

Saint-Amélie de Kehinde Wiley

 

Entièrement consacré à l'art du vitrail, ce nouveau musée en forme de lieu atypique qu’est la Cité du Vitrail a de surcroît investi l’un des plus beaux monuments de Troyes, à lui tout seul déjà une œuvre d’art en plein cœur de la cité : l’hôtel-Dieu-le-Comte. Ce joyau architectural du XVIIIe siècle retrouve ainsi tout son éclat. En présentant des vitraux uniques, d’époques, de fonctions et de styles différents, la Cité se donne pour mission première de dépoussiérer l’image du vitrail et de le rendre accessible au plus grand nombre, sous ses multiples aspects stylistiques, historiques, techniques, iconographiques.

 

Le parcours de l’exposition permanente débute au troisième étage de l’hôtel-Dieu par la découverte de l’élaboration et l’exécution d’un vitrail à l’échelle du temps. Pour se faire, un atelier de maître verrier est restitué à partir d’objets issus de plusieurs donations, dont celle du maître verrier troyen, Alain Vinum, tandis qu’une deuxième salle aborde l’histoire du vitrail à travers onze focus chronologiques illustrés de vitraux originaux, reproductions, outils, films, photographies et documents graphiques.

 

Le deuxième étage, baigné de lumière naturelle, offre au visiteur un espace de contemplation suivant une trame chronologique où se confrontent les œuvres d’art vitrées. À hauteur de regard, la diversité des vitraux présentés, dont de très grands formats, transmet toute la richesse et le foisonnement de cet art qui traverse les siècles en se renouvelant continuellement. Une plus petite salle accueille le « chef-d’œuvre » : le vitrail le plus ancien de la collection de la Cité du Vitrail, un panneau troyen de la fin du XIIe siècle, miraculeusement retrouvé en 2018 après avoir connu mille péripéties. Mais on ne manquera pas non plus de remarquer l’Ange de René Lalique, qui irradie une douce lumière ambrée. Et l’on constatera que l’art du vitrail n’est pas forcément associé à l’art religieux, notamment en admirant la seule verrière rescapée d’un cycle de baies exécutées pour orner le Palais du Trocadéro lors de l’Exposition universelle de 1878, illustrant l’histoire des arts de l’industrie.

 

Le premier étage du parcours intègre les trois grandes salles d’expositions temporaires, restaurées et aménagées depuis 2015. Elles accueillent des expositions thématiques et monographiques sur le vitrail en alternance avec d’autres expositions culturelles, organisées par le Département. Mais l’hôtel-Dieu réserve encore d’autres surprises tout au long de son parcours, comme la sacristie, qui expose une partie du petit mobilier de la chapelle – luminaires, Christ en Croix, fragments de vitraux et documents d’archives – dans l’authentique mobilier liturgique restauré et adapté à une présentation muséale. Ou encore la chapelle, entièrement redécorée entre 1862 et 1866, qui conclut magnifiquement le parcours. L’ensemble des peintures murales, des boiseries, du petit mobilier et le vitrail du chœur a été restauré. Les six grandes baies actuelles de la chapelle accueillent des verrières monumentales anciennes ou contemporaines, en lumière naturelle. Où l’on découvre par exemple les spectaculaires vitraux dessinés pour Notre-Dame-de-Paris dans les années 1930, qui s’offrent enfin aux regards après avoir été confinés en caisse pendant des décennies !

 

Au fil du parcours permanent, le visiteur a également l’occasion de découvrir l’histoire des lieux en quelques endroits marquants, dont le jardin réaménagé dans l’esprit hospitalier du XIXe siècle. Il ne faudra pas manquer lApothicairerie, l’une des plus belles de France : cette grande salle, classée au titre des Monuments historiques, conserve une collection exceptionnelle de pots en faïence et de boîtes pharmaceutiques en bois peint des XVIIIe et XIXe siècles. Gérée par le pôle muséal de la Ville de Troyes, sa scénographie a été réétudiée en cohérence avec le projet de la Cité du Vitrail, tout en conservant son caractère authentique. Le laboratoire, pièce attenante à la grande salle de l’Apothicairerie, voûtée d’ogives et parée de mosaïque au sol, qui servait à préparer les remèdes, est toujours là lui aussi. Il est désormais consacrée à l’histoire de l’hôtel-Dieu depuis sa fondation en 1157 par Henri Ier le Libéral, et présente un vaste ensemble d’objets évoquant l’histoire du lieu (clystères, armoire à layettes, reliquaires, etc.), ainsi que des films sur l’évolution architecturale et fonctionnelle du bâtiment.

lApothicairerie

 

Visuels :
- Vue générale de l'Hôtel-Dieu-le-Comte © Studio OG
- Kehinde Wiley (né en 1977), Saint Amelie, 2014. Vitrail, 251 x 115 cm. Paris, galerie Templon. Photo service de presse © Kehinde Wiley Studio – cliché Elsa Viollet
- Apothicairerie de l'Hôtel-Dieu-le-Comte © Carole Bell, Ville de Troyes

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