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Degas vs Manet : le choc des titans
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Mai 2023 | Temps de lecture : 26 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition Manet/Degas qui se tient du 28 mars au 23 juillet au musée d’Orsay à Paris.

Le face à face est sublime. C’est d’ailleurs l’événement, pour le magazine Connaissance des arts. L'exposition Manet-Degas ouvre ses portes le 28 mars au musée d'Orsay, à Paris, faisant dialoguer les œuvres des deux célèbres artistes, Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917), qui ont marqué l'histoire de l'art du XIXe siècle par leurs audaces mais aussi en mode « je t’aime-je te hais ». Il s’agit en effet de deux des acteurs essentiels de la nouvelle peinture des années 1860-80. Comme l’écrit Manuel Jover dans Connaissance des arts : « Si les confrontations d’artistes sont parfois fallacieuses, le dialogue semble ici pleinement justifié entre deux grands peintres ayant vécu dans la même ville, Paris, à la même époque, les dernières décennies du XIXe siècle, qui se sont assez bien connus et appréciés, même si leur amitié fut refroidie par certaines divergences, et qui surtout partagèrent la même grande aventure esthétique, l’avènement de ce que le critique Louis-Emile Duranty appela la nouvelle peinture ». Un terme assez vague qui désignait « les héritiers du Réalisme ouverts aux thèmes de la vie moderne et attachés à forger un langage plastique en accord avec leur époque ».

 

Cette exposition qui réunit les deux géants de la peinture dans la lumière de leurs contrastes oblige à porter un nouveau regard sur leur réelle complicité. Elle montre ce que la modernité picturale eut d’hétérogène, de conflictuel, et révèle la valeur de la collection de Degas, où Manet prit une place plus grande après son décès. Bien entendu, les analogies ne manquent pas concernant les sujets qu’ils imposèrent (des courses de chevaux aux scènes de café, de la prostitution au tub), les genres qu’ils réinventèrent, le réalisme qu’ils ouvrirent à d’autres potentialités formelles et narratives, le marché de l’art et les collectionneurs qu’ils parvinrent à apprivoiser pour mieux les convaincre d’acheter leurs œuvres d’art à vendre en dehors des Salons, les lieux (cafés, salles de spectacle) et les cercles, familiaux (Berthe Morisot) ou amicaux, où ils se croisèrent. Et les femmes, qui occupent une place prépondérante dans leurs peintures. « Chacun se plaît à explorer la sphère féminine, jusque dans l’intimité des soins du corps, la toilette, le détail vestimentaire », constate le journaliste de Connaissance des arts.

 

Avant et après la naissance de l’impressionnisme, sur laquelle l’exposition pose un regard nouveau en remettant au passage les pendules à l’heure quant à l’implication de chacun au sein du mouvement, ce qui les différencia ou les opposa est plus criant encore. De formations et de tempéraments dissemblables, Manet et Degas ne partagent pas les mêmes goûts en littérature et en musique par exemple. Leurs choix divergents en matière d’exposition et de carrière refroidissent, dès 1873-1874, l’amitié naissante qui les lie, amitié qu’a renforcée leur expérience commune de la guerre de 1870 et des lendemains de la Commune. On ne saurait comparer la quête de reconnaissance du premier et le refus obstiné du second à emprunter les canaux officiels de légitimation. Et si l’on considère la sphère privée, une fois les années de jeunesse révolues, tout les sépare. À la sociabilité du dandy Manet, très ouverte, et vite assez brillante, à ses choix domestiques, répondent l’existence secrète de l’austère Degas et son entourage restreint.

 

Connu pour sa collection impressionnante d'art du XIXe siècle, le musée d’Orsay a de surcroît pu faire venir de nombreuses peintures des Etats-Unis, grâce au partenariat avec le Metropolitan Museum de New York, rassemblant ainsi pour cette exposition plus de 150 œuvres des deux artistes, comprenant des peintures, des dessins, des gravures, des photographies et des sculptures. C’est un véritable festival. Une galerie d’art géante. L'exposition offre vraiment une occasion splendide d'admirer jusqu’au 23 juillet sous le même toit les œuvres de deux artistes alliant la solidité d’une formation classique à la modernité d’une époque et d’une audace picturale révolutionnaire, avant qu’elle n’aille s’installer à New York du 18 septembre 2023 au 27 janvier 2024.

 

Le Déjeuner sur l'herbe

Le Déjeuner sur l'herbe - Manet

Olympia

Olympia - Manet

La section consacrée à Manet comprend notamment certaines de ses peintures les plus célèbres, y compris « Le Déjeuner sur l'herbe » et « Olympia ». On sait combien ces deux œuvres avaient suscité une grande controverse lors de leur première présentation, tant leurs sujets étaient inattendus et leur technique picturale innovante. Les visiteurs peuvent également admirer les dessins et les gravures de Manet, qui montrent sa maîtrise de la composition et de l'espace. Où l’on voit bien que l’avoir désigné comme chef de file du mouvement impressionniste, au prétexte de sa peinture de plein air, de sa palette claire et de son langage pictural abrégé, relève d’un énorme malentendu, lui-même récusant d’ailleurs cette filiation ! Il refusera toujours obstinément de participer aux expositions du groupe. « Il est en quête de reconnaissance officielle, celle que dispense le Salon, où il expose plusieurs fois », explique Manuel Jover. « De plus, la nature, le paysage, le monde rural, ce n’est pas son affaire. Contrairement aux impressionnistes, il préfère les lumières de la ville, les lieux de la sociabilité urbaine, grands boulevards, cafés, foules, salons et boudoirs où règnent les femmes… »

 

Si Degas, qui vouera toujours un culte à Ingres, apparaît quant à lui comme l’un des peintres les plus engagés et militants lorsque se mettent en place à partir de 1874 les expositions collectives du groupe impressionniste, c’est uniquement parce qu’il est farouchement partisan d’une stratégie indépendante vis-à-vis des instances officielles, le Salon, les commandes… A la qualification d’impressionnistes, lui, il aurait préféré celle d’intransigeants pour désigner le groupe d’artistes indépendants auquel il appartenait. « A l’instar de Manet, Degas privilégie la figure, le corps, qu’il soit nu ou habillé et en situation sociale, et non le paysage comme Monet, Renoir, Pissarro ou Sisley », note le journaliste de Connaissance des arts. « Il s’appuie sur la solidité du dessin et de la forme, et non sur l’étude des atmosphères naturelles et la décomposition de la lumière en couleurs. A bien des égards, ce pilier du mouvement est à l’opposé des préoccupations de ses camarades. D’où il résulte un certain flou dans sa situation artistique et dans la perception de son art. En fait, Degas est tout simplement inclassable. »

 

Parmi les œuvres présentées ici ayant le plus ému Manuel Jover, « on notera les portraits de Manet par Degas, qui su si bien capter la brillante personnalité de son ami. Mais aussi celles qui constituent de flagrants points de rencontre, telle La Prune du premier, et L’Absinthe, du second, qui montrent des femmes attablées au café et suintent l’une et l’autre la même âcre solitude ».

 

Visuels :

- Edouard Manet - Le Déjeuner sur l'herbe en 1863
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Benoît Touchard / Mathieu Rabeau

-  Edouard Manet - Olympia en 1863
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

- Edgar Degas - Jeune femme à l’Ibis, 185758
The Metropolitan Museum of Art, New York, EtatsUnis
© The Metropolitan Museum of Art

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