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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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Les quatre dessinatrices élues par Artpress
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Mai 2023 | Temps de lecture : 24 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de la 16e édition de Drawing Now Art Fair qui se tient du 23 au 26 mars au Carreau du Temple à Paris.

Du 23 au 26 mars, la foire du dessin contemporain Drawing Now Art Fair présente sa seizième édition au Carreau du Temple à Paris. Parmi les nombreux rendez-vous parisiens autour du dessin qui se tiennent chaque année en mars, le magazine d’art contemporain Artpress arpente ses allées depuis plusieurs années et ses critiques ont choisi pour cette seizième édition de mettre à l’honneur quatre dessinatrices aux expression tranchées : Julie Doucet, représentée par la galerie d’art Anne Barrault ; Cyrielle Gulacsy, pour la galerie d’art Anne-Sarah Bénichou ; Chloé Poizat, galerie d’art Modulab ; et Katarzyna Wiesiolek, dont les œuvres d’art à vendre sont à retrouver sur le stand de la galerie Eric Dupont.

Bien entendu, on imagine facilement que le choix ne fut pas simple à faire parmi les quelque 2.000 œuvres d’art à vendre signées de 300 artistes différents, qui seront à retrouver au fil des soixante-dix galeries réunies pour Drawing Now Art Fair, venues de treize pays, sachant que 30 % sont là pour la première fois ou reviennent après une longue absence. La création graphique de ces cinquante dernières années est donc particulièrement bien représentée, et on constate à quel point le dessin a définitivement trouvé sa place sur le marché de l’art contemporain.

A propos de Julie Doucet, propulsée sur le devant de la scène depuis qu’elle a reçu le prix de la Ville d’Angoulême en 2022, le graphiste spécialisé dans le domaine du livre d’art et éditeur Philippe Ducat se souvient pour Artpress qu’il a découvert l’œuvre de cette autrice de bande dessinée québécoise à la fin des années 1980 dans le fanzine photocopié de Bruno Richard et Pascal Doury, Elles sont de sortie. « Le dessin était très trash, ce qui expliquait le goût de Bruno pour cette fille qui détonnait dans le milieu ultra masculin du fanzine », écrit-il. Julie Doucet devra à son regard moderne de recevoir rapidement la reconnaissance de ses pairs et d’être éditée très régulièrement, notamment dès 1990 par la nouvelle maison d’édition française l’Association. Même si elle abandonne ensuite peu à peu la BD au profit du dessin comme œuvre d’art à part entière, la publication de Maxiplotte, compilation des féministes Dirty Plotte qu’elle autoéditait à ses débuts, augmentée d’inédits, la fait revenir au premier plan en 2021.

Comme l’écrit Philippe Ducat, « suite au mouvement #MeToo et aux autres manifestations féministes, elle devient une sorte de figure du féminisme contemporain pour la bonne raison que ses récits sont depuis le départ transgressifs et très virulents envers le masculinisme androcentré. Elle représente la féminité avec une crudité qui me semble inaugurale. Bien que n’ayant pas la science infuse, je ne vois pas d’autres femmes artistes qui se sont aventurées sur ce terrain où la séduction est pratiquement bannie. Celle qui pourrait être le plus proche serait Anne Van der Linden, mais il subsiste toujours un désir de séduction dans ses œuvres ». Ce qui est sûr, c’est que le trait expressionniste de Julie Doucet et son goût pour le noir et blanc font penser aux plus grands, comme Crumb, Vallotton, George Crosz, Willem, Vuillemin, Combas… Et que si ses personnages sont représentés avec une science de la caricature et du grotesque jubilatoire, renvoyant pour certains aux dessins dits érotiques d’Albert Dubout, la tendresse et l’empathie y sont toujours perceptibles, comme dans les photographies de Diane Arbus.

En ce qui concerne Cyrielle Gulacsy, qui utilise le médium pictural et l’encre de Chine comme moyens d’expérimentation, « elle fait de la lumière le corps de son œuvre et ausculte alors l’immensité, embrassant l’impalpable d’une réalité rétive à s’offrir dans la totalité », explique dans son article pour Artpress Maud de la Forterie, journaliste et critique d’art. « En prenant pour champ de recherche la nature physique des objets célestes, mais aussi l’espace-temps, l’électromagnétisme ou encore la diffraction de la lumière, Gulacsy recherche avant tout de nouvelles formes de représentation d’un réel imperceptible où le spectre sensoriel aurait tout le loisir de s’épanouir. Aussi, ses travaux ne visent-ils pas tant la description qu’ils ne permettent de piquer la curiosité et de pointer la sensation, l’artiste en appelant alors au partage tout comme à la perception. » En évoquant le « pointillisme cosmique, porteur d’une symbolique universelle » des œuvres d’art de l’artiste parisienne, la journaliste évoque des œuvres comme celles de la série Visible Light, initiée en 2018 et relatant le passage de la lumière blanche à travers l’atmosphère terrestre, « ce seuil où l’invisible devient visible ». Elle nous parle aussi la série de 2022, Solar Dynamics, où l’astre solaire occupe une place de choix et où la lumière se diffracte au moyen de subtils dégradés pour apparaître in fine.

Dans les œuvres d’art dessinées par Chloé Poizat, la journaliste Julie Chaizemartin voit spontanément des « vies imaginaires ». L’artiste lui a confié un jour son admiration pour Marcel Schwob, auteur du livre éponyme, le poète et écrivain du XIXe siècle qui habita Chaville, en lisière de la même forêt sombre et magique qu’elle explora elle-même avec ses yeux d’enfant grandissant à Ville-d’Avray. Et puis bien sûr ils ont en commun ce goût pour la fiction et l’étrangeté. Chloé Poizat fait naître des êtres hybrides et fantaisistes sur le papier, mais aussi dans de courtes vidéos composées à partir d’assemblages et de collages d’images d’archives et de dessins. Leurs grimaces dans un monde pétri de chimères issues de la nature peuvent être aussi sympathiques qu’angoissantes, à l’image d’un Cri de Munch. Comme des portes vers le rêve, les images métamorphiques de Chloé Poizat peuvent aussi évoquer Odilon Redon, Dali ou Yves Tanguy, mais le trait de l’artiste n’en garde pas moins sa propre singularité.

L’extrême précision des œuvres d’art à vendre de Katarzyna Wiesiolek, tout comme la matière sensible de son dessin, fascine Marc Donnadieu, critique d’art et commissaire d’expositions spécialisé dans les domaines de la photographie et de la création contemporaine. Car de photographie il est presque question lorsqu’on est face aux dessins de l’artiste née en Pologne et venue à Paris dans les années 2010 pour y poursuivre ses études en arts plastiques. Son œuvre, faite tantôt d’épidermes palpitants tantôt de territoires sismographiques, est une trace dessinée de la réalité, dont les thèmes récurrents sont la nature morte, le corps humain, la lumière et l’ombre, le reflet, l’aube ou le crépuscule, le rivage, les sommets enneigés des montagnes, les nuages, les pluies d’étoiles filantes, les planètes ou les constellations, les catastrophes naturelles ou technologiques… « Et ce qui pourrait en constituer le socle fondateur », écrit Marc Donnadieu, « c’est non seulement ce sentiment mélancolique, ce temps suspendu ou retenu produit par certaines situations, faits ou choses soigneusement choisies, mais surtout cette attention méticuleuse et presque obsessionnelle pour des formes d’absolus presque métaphysiques qui défient les lois de la gravité comme celles de l’échelle ».

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