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Magistrale rétrospective itinérante pour Marcelle Cahn
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Avril 2023 | Temps de lecture : 24 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Marcelle Cahn, en quête d’espace », qui se tient jusqu’au 5 mars au MAMC+ Saint-Etienne Métropole puis qui s’installera au musée des beaux-arts de Rennes du 1er avril au 27 août 2023.

Passant au fil du temps de l’expressionnisme allemand à l’abstraction géométrique et lyrique, l’artiste Marcelle Cahn (1895-1981) a laissé derrière elle une œuvre si riche et si singulière qu’il fallait bien une exposition itinérante changeant de format dans chaque ville pour la faire sortir de l’ombre ! En plus d’être l’occasion de rendre hommage à une femme qui a consacré sa vie à la création artistique, malgré les obstacles et les difficultés liés à son époque, l’exposition « Marcelle Cahn, en quête d’espace » est une formidable invitation à redécouvrir cette artiste méconnue, dont l'œuvre témoigne d'une sensibilité et d'une créativité exceptionnelles.

 

Rassemblant plus de 400 œuvres d’art – peintures, arts graphiques, sculptures, photographies et collages – provenant d’institutions culturelles et de collections particulières françaises et étrangères, couvrant l’ensemble des techniques engagées par l’artiste, l’exposition est encore visible jusqu’au 5 mars au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne Métropole, après s’être tenue à Strasbourg en 2022, ville natale de l’artiste, et avant d’aller s’installer du 1er avril au 27 août 2023 au musée des beaux-arts de Rennes.

 

Malgré le fait, désormais entendu, d’avoir été une artiste hors du commun, aimée et soutenue par ses pairs et les grands critiques d’art de son temps, , pionnière de l’abstraction, ayant fréquenté Fernand Léger, Amédée Ozenfant, Arp, Mondrian, Van Doesburg, Kandinsky, Le Corbusier, Zadkine, Suzanne Valadon, Natalia Gontcharova… Marcelle Cahn est encore étrangement méconnue du grand public. Réputée qu’elle est pour ses tableaux-reliefs et ses célèbres spatiaux, qui représentent l’aboutissement de son œuvre, Marcelle Cahn a donné vie, à travers ses œuvres, à un langage abstrait poétique et lyrique. Ses œuvres d’art à vendre sont désormais très recherchées par les collectionneurs et les galeries d’art, alors qu’âgée de 86 ans et presqu’aveugle, la peintre s’était éteinte seule et sans ressources, encore occupée à quelques collages. « Sur des cartes postales que ses amis lui envoient ou lui apportent, l’artiste colle des points et des œillets pour donner naissance à des images où la poésie flirte avec l’humour, preuve de la capacité de l’artiste à se renouveler avec une grande économie de moyen », écrit Fabien Simode dans son Port-Folio pour le magazine L’Oeil daté de janvier-février 2023. Emouvante image à l’appui.

 

Il faut dire que, discrète et animée d’une intense vie intérieure, uniquement tournée vers ses expérimentations en arts plastiques après avoir découvert à 19 ans l’œuvre de Cézanne, l’artiste n’a jamais jugé utile d’entretenir sa propre image. « Expressionnisme, cubisme, purisme, Dada, surréalisme, art concret, abstraction lyrique et géométrique : Marcelle Cahn a traversé les plus importants courants du XXe siècle sans appartenir à aucune école », précise la commissaire de l’exposition, Cécile Godefroy. Qui plus est, ajoute-t-elle, « elle s’est très peu exprimée et n’est pas entrée dans les débats théoriques auxquels se livrèrent les pionniers et les grands défendeurs de l’abstraction. » À quoi s’ajoute une vie secrète et solitaire, affectée par des difficultés financières et des problèmes de santé chroniques : il n’en aura pas fallu davantage pour que l’histoire de l’art laisse aux oubliettes celle qui préférait prendre soin de sa mère plutôt que courir les galeries d’art et les honneurs.

 

La jeune fille très sensible à la musique, qui avait également un temps envisagé de faire du théâtre lorsqu’elle vivait encore à Strasbourg, avait été très impressionnée, outre par la peinture de Cézanne, par les artistes expressionnistes du Sturm rencontrés alors qu’elle vivait à Berlin de 1914 à 1918. Marcelle Cahn y avait notamment fréquenté la Lewin-Funke-Kunstschule à Charlottenburg, où Eugène Spiro enseignait l’art du portrait, et Lovis Corinth celui des nus. On reste d’ailleurs ébaubi dans la première salle de l’exposition de Saint-Etienne devant le Nu berlinois de 1916. Evoquant l’influence constante de Cézanne dans le parcours créatif de Marcelle Cahn, le journaliste de L’Oeil note que cette huile sur toile d’un réalisme expressionniste confondant « reprend tout de la leçon du maître : la sphère, le cône et le cylindre qui modèlent la nature, jusqu’à l’utilisation des couleurs sourdes et la touche à empâtement ».

 

Marcelle Cahn aura donc finalement consacré toute sa vie à l'art, et cette exposition offre enfin de bien identifier les milieux et les écoles artistiques auxquels elle se rattache, en les illustrant par des documents bien sélectionnés. D’abord le purisme de Le Corbusier et Ozenfant, puis Cercle et Carré en 1930, ensuite le Salon des Réalités nouvelles de 1949 à 1967, et enfin les groupes Espace, Structures et Mesure. Marcelle Cahn a ainsi expérimenté le cubisme, le futurisme, le surréalisme, l'abstraction, la figuration, la gravure, la peinture à l'huile, l'aquarelle, l'encre de Chine… autant de techniques qui ont nourri sa créativité. A moins que ce ne soit sa créativité qui les ait mises à son service.

 

Cette diversité se retrouve donc parfaitement bien dans l'exposition « Marcelle Cahn, en quête d'espace », qui propose une sélection d'œuvres représentatives de l'ensemble de la carrière de l'artiste. On y trouve ainsi des dessins et gravures des années 1920, qui témoignent de son engagement politique et social, mais aussi des peintures des années 1930, qui révèlent son intérêt pour la géométrie et l'abstraction. On y découvre également des œuvres des années 1940, qui reflètent son engagement pour la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est lorsqu’elle rejoint après la guerre le Salon des Réalités nouvelles « qu’elle entre de plain-pied dans l’art abstrait, sans jamais renier la figuration », note Fabien Simode. « Une abstraction géométrique linéaire qui va prendre, au fil du temps, de plus en plus de relief pour aboutir à un constructivisme là encore personnel. Cézanne semble bien loin. Pourtant, sa leçon a été assimilée : la sphère, le cylindre et même la touche à empâtement – les fonds blancs sont travaillés en épaisseur – font toujours partie du vocabulaire de Marcelle Cahn. »

 

Le titre de l'exposition, « Marcelle Cahn, en quête d'espace », fait référence à l'un des thèmes récurrents de l'œuvre de l'artiste : la recherche de l'espace. Marcelle Cahn a en effet toujours été fascinée par les questions de perspective, de volume, de profondeur, d'espacement, qui sont au cœur de l'art moderne. Cette fascination se retrouve dans ses dessins et gravures, qui jouent sur les effets de perspective pour créer une illusion de profondeur et de volume. Mais elle se retrouve aussi dans ses peintures, où elle expérimente des effets de superposition, de transparence, de lumière, qui créent une impression de mouvement et de fluidité. Bref, cette belle exposition permet de découvrir toute la richesse et la diversité de l'œuvre de Marcelle Cahn, et de mieux comprendre l'importance de sa contribution à l'histoire de l'art.

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