Les pleins et les déliés de Nicolas Sanhes
A propos des quatre expositions consacrées en 2023 au sculpteur français Nicolas Sanhes.
Il est de ceux qui savent mettre toute la pesanteur de la technique au service de la sensibilité de l’œuvre d’art. Sculpteur d’espaces, considéré comme l’un des artistes les plus talentueux de sa génération, le Français Nicolas Sanhes compte de plus en plus dans le paysage de l’art contemporain… et dans le paysage tout court. Ne vous ont sans doute pas échappés au fil de vos voyages en France les pleins et les déliés de ses sculpturales œuvres d’art vendues aux villes de Rodez, La Verrière, Montélimar, Trappes, Valenciennes ou Strasbourg, suite à des commandes publiques ayant afflué dès 1997. L’impressionnant travail de cet artiste contemporain délimitant des vides, des plans et des espaces en constante évolution selon le point de vue du spectateur ne pouvait pas manquer de retenir l’attention de ceux dont l’objectif est de faire de l’espace public une véritable galerie d’art à ciel ouvert, accessible au plus grand nombre.
La revue Connaissance des arts de ce mois de février consacre à cet artiste contemporain de belles pages illustrées à l’occasion de sa riche actualité en 2023. Pas moins de quatre exposition sont à l’affiche en effet, en plus d’un livre qui vient de lui être consacré aux éditions Archibooks : « Nicolas Sahnes, et je vois le vide qui se soude de formes colorées », à la galerie d’art R de Grande-Synthe (59) est à voir jusqu’au 23 février ; « Nicolas Sahnes, sculptures » se tiendra au Bonisson Art Center à Rognes (13) de mai à septembre ; une exposition aura ensuite lieu à la galerie d’art Podgorny Robinson à Saint-Paul-de-Vence (06) du 15 juin au 15 juillet ; et enfin une exposition sera consacrée à Nicolas Sahnes à la galerie d’art Baudoin Lebon à Clairefontaine-en-Yvelines (78) du 8 octobre à fin décembre.
Né en 1976 à Rodez, Nicolas Sanhes a grandi dans la ferme familiale, où rien a priori ne le prédestinait à une carrière d’artiste. Il n’empêche qu’il se passionne très tôt pour l’art. C’est son entrée à l’école des beaux-arts de Perpignan en 1984 qui marque le début de sa vocation. Il ne cessera plus dès lors de développer ses compétences et sa technique. Et si Nicolas Sanhes est connu aujourd’hui pour créer des œuvres sculpturales qui reflètent sa passion pour les formes organiques et les textures, pour travailler avec divers matériaux, tels que la pierre, le bois, le métal, le bronze et l'argile, mais aussi pour son style reconnaissable par sa finesse et sa minutie, ses formes abstraites semblant sortir d'un rêve… l’homme n’a pas toujours été sculpteur.
Nicolas Sanhes est particulièrement marqué pendant ses études par les approches radicales d’Ellsworth Kelly et Ad Reinhardt. La Figuration libre est alors en pleine explosion, mais Nicolas Sanhes choisit lui de s’en éloigner aussitôt, en développant en 1986 et 1987 des peintures abstraites au goudron : la série intitulée Champs noirs fera date. Elle se compose de grandes toiles noires, où les motifs sont créés par la texture du goudron sur le lin brut. Présentée pour la première fois en 1987 à la galerie d’art J.&J. Donguy à Paris, cette série saluée par la critique pour son utilisation novatrice du matériau brut, ainsi que pour la tension dynamique créée entre les textures noires profondes et les formes abstraites qui apparaissent dans les peintures, a marqué un tournant important dans la carrière de Nicolas Sanhes. Devenues des œuvres d’art à vendre très recherchées par les collectionneurs, exposées dans de nombreux musées et galeries d’art en France et à l’étranger, les peintures de Champs noirs ont finalement révélé le talent de l’artiste pour la création d’œuvres d’art abstraites.
Et Nicolas Sanhe ne délaissera en réalité jamais vraiment la peinture, même s’il doit sa notoriété à la sculpture. Depuis trois ans, la peinture occupe même « une place à part entière dans son quotidien et dans œuvre, chaque journée commençant et se terminant par cette pratique », souligne Véronique Bouruet-Aubertot dans son article pour Connaissance des arts. « Il s’agit d’une véritable respiration, d’une confrontation à un autre espace », commente l’artiste. Lui qui puise son inspiration dans la nature, la musique et les formes géométriques s’est finalement installé dans un impressionnant atelier-logement qu’il a conçu sur mesure à Trappes, dans les Yvelines, non loin de son fournisseur de barres d’acier. De la même façon qu’il cherche à y créer des sculptures qui reflètent l'harmonie et l'équilibre dans leurs formes et leurs textures, quand il est installé dans l’espace en double hauteur avec des chaines et des portiques pour les pièces de grande dimension, il s’installe à l’étage pour se consacrer à son œuvre peint. Comme un prolongement de l’œuvre sculpté.
Car la démarche originale de l’artiste peintre trouve ses racines littéralement ses racines dans celle de l’artiste sculpteur. Nicolas Sanhes photographie en effet ses sculptures avant d’utiliser Photoshop pour isoler la découpe de leurs vides et de leurs lignes. « Ce sont ces formes qu’il projette ensuite dans le plan de la toile pour construire un nouvel espace, abstrait lui aussi, jouant des aplats et des lignes, la couleur entrant dans la danse dans une palette vive et acidulée », explique la journaliste de Connaissance des arts.
Peintes ou sculptées, ses œuvres d'art à la fois uniques et intemporelles sont d’autant plus fortes émotionnellement qu’elles parlent de reconstruction depuis que la maladie a amené leur créateur à l’aube de la trentaine à reconsidérer profondément son existence et son travail. Le travail de Sanhes explore l’intersection entre la forme et la matière, faisant s’interpénétrer et s’entrelacer les barres d’acier découpées pour créer des formes équilibrées et élégantes. Alors que les sculpteurs Eduardo Chillida ou Bernard Venet font naître leurs œuvres de la fonte, de la forge et de la torsion de poutres d’acier, Nicolas Sanhes travaille en effet par construction à partir de segments prédécoupés de différentes longueurs. Par reconstruction de nouvelles formes. Sans compter que certaines des séries de sculptures de Sahnes ont été réalisées à partir de matériaux récupérés ou recyclés, comme le bois, le métal et la pierre : en réutilisant des matériaux existants pour créer de nouvelles formes, Sanhes reconstruit leur potentiel esthétique et leur donne une nouvelle vie.