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Pascal Convert relie les vivants et les morts
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Avril 2023 | Temps de lecture : 25 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’œuvre de Pascal Convert visible au cimetière Miséricorde de Nantes et du solo-show de l’artiste à la galerie RX à Paris du 4 février au 11 mars.

Les œuvres d’art contemporain ne sont pas seulement visibles dans les galeries d’art, les musées, les parcs ou les châteaux… Un petit détour par les cimetières s’impose désormais, où elles ne risquent pas d’être enterrées ! Pour preuve l’œuvre pérenne de Pascal Convert au cimetière Misécorde à Nantes. Un memento mori à travers la figure spectrale de cervidés qui a toute sa place parmi le riche patrimoine funéraire de ce lieu considéré comme « le Père-Lachaise nantais », nous rappelle Didier Arnaudet ce mois-ci dans Artpress, le magazine mensuel et bilingue consacré à l’art contemporain.

Le critique d’art et commissaire d’exposition qui avait présenté en 2022 l’exposition François Morellet au centre d’art Chasse-Spleen à Moulis-en-Médoc (33), a été invité à rédiger pour Artpress un texte très intéressant croisant ses observations sur l’œuvre de Pascal Convert et sur le cimetière Miséricorde. Dont la poésie ne pouvait évidemment pas échapper à celui qui a aussi publié plusieurs livres de poésie/fiction aux éditions Le bleu du ciel.

Et puisque l’art a ceci de particulier qu’il embrasse merveilleusement tous les champs de compétences, on apprend donc non seulement que le cimetière Miséricorde a accueilli sa première inhumation en mai 1793, mais également qu’il faut y être enterré dans l’une des chapelles de style funéraire néo-gothique bordant son allée centrale monumentale pour compter parmi les grands de ce monde. Et Didier Arnaudet d’évoquer l’écrivain Paul Nizan, dont les grands-parents maternels vivaient à Nantes et qui a largement évoqué le cimetière de la ville dans son premier roman biographique, paru en 1933, Antoine Bloyé. Décrivant notamment les monuments mortuaires comme s’il s’agissait d’une exposition de sculptures à vendre s’étant tenue dans une galerie d’art. « Il y en avait dans le style roman, dans le style gothique, d’autres étaient coiffés par des dômes à pan, des dômes surmontés, écailleux comme des lézards de céramique. D’autres portaient dans le style 1900, des lis, des iris, des chevelures de pierre. C’étaient de ces caveaux où l’on n’entre pas sans s’essuyer les semelles et il y avait des paillassons de métal. »

L’auteur de l’article confirme que « certains de ces monuments, statues ou médaillons sont signés par des sculpteurs tels Charles-Auguste Lebourg, Amédée Ménard, Sébastien de Boishéraud ou encore Guillaume Grootaërs ». Mais recommande aussi de s’aventurer dans la partie la plus ancienne du cimetière Miséricorde, là où se déploie comme un espace rebelle, œuvre d’art à lui tout seul tant la végétation y a pris ses aises, assiégeant, voire recouvrant les tombes, partant à l’assaut des grilles. « Malgré les épreuves de l’érosion et de la brisure, le minéral lui oppose sa théâtralité abrupte, s’interdisant tout compromis et toute conciliation, résistance chaotique, silencieuse et résignée. » Ici finalement, « l’impermanence, la confusion et l’indéfinition produisent l’expression d’une force féconde et inventive ».

De sa plume qu’il a décidément très belle, Didier Arnaudet réussit à nous donner envie d’aller arpenter un cimetière… Non sans ajouter aux réjouissances annoncées celle d’y débusquer le « bas-relief négatif » intitulé Miroirs des temps, œuvre d’art pérenne commandée en 2022 à Pascal Convert par le Voyage à Nantes, ce programme d’œuvres d’art dans l’espace public, destiné à révéler le patrimoine de la ville. Un cerf, un chevreuil, une biche et deux faons apparaissent en creux, pénétrés de lumière, sur des dalles en verre réalisées par l’artiste contemporain avec le maître verrier Olivier Juteau, « selon un procédé technique précis et particulièrement innovant ».  Comme une médiation entre les vivants et les morts.

 

Miroirs des temps

Miroirs des temps Miroirs des temps

 

« Chaque pièce a demandé plusieurs phases de conception et de longs temps de modelage, de préparation et de cuisson », explique Didier Arnaudet aux lecteurs d’Artpress. « L’impression qui s’en dégage combine les qualités de la surprise et la séduction de la surface miroitante. Chaque animal, en creux dans le verre, capture le visiteur dans son regard à la clarté bienveillante et l’accompagne avec une attention soutenue dans tous les préliminaires de l’approche et de la rencontre. »

Car non seulement il convient de s’approcher d’une œuvre d’art, qu’elle soit peinture ou sculpture, mais encore faut-il réussir à la rencontrer. Ce cerf, ce chevreuil, cette biche et ces faons sont là, « étonnamment présents, élémentaires et fabuleux, entourés d’un drapé de brume, fortifiés par un imaginaire où l’on ne s’égare pourtant pas, et portant les blessures du verre, soulignées d’or, selon la technique japonaise du kintsugi qui sublime les cassures dans les céramiques ». L’auteur Didier Arnaudet l’a testé : la convergence que réussit à créer avec ses œuvres d’art le plasticien Pascal Convert entre l’histoire d’un lieu et la mémoire d’un passé enfouie, revenue à la surface d’un présent, a sur l’esprit une influence extrêmement apaisante.

L’exposition des œuvres d’art à vendre récentes de cet archéologue de l’architecture, de l’enfance, de l’histoire, du corps, des temps… occupe actuellement l’ensemble de la galerie d’art RX à Paris, jusqu’au 11 mars. Elle s’intitule « Les Voix qui se sont tues », et c’est le premier solo-show que consacre la galerie d’art à cet artiste français qu’elle représente désormais. Sous le commissariat de Henri van Melle, spécialiste de la scène artistique contemporaine, Pascal Convert présente donc un corpus d’œuvres allant du bas-relief à la photographie, en passant par la cristallisation d’objets. Comme des témoignages du passé mettant en avant des personnalités, des événements ou des lieux ayant été dépourvus de leur essence. Grâce à ses multiples procédés de création, Pascal Convert rend inaliénables ces « voix qui se sont tues ».

Les Voix qui se sont tues

L’occasion d’aller constater que l’œuvre de Pascal Convert est bien « l’exact opposé de tout ce qui comprime le sens, de tout ce qui se réduit à des cadres événementiels », comme l’écrit si bien le contributeur d’Artpress. « De la cloche en bronze du Mont-Valérien, Monument en hommage aux otages et résistants fusillés (2002) au Panoramique de la falaise de Bâmiyân (2016) où les deux immenses bouddhas ont été détruits par les talibans, du Memento Marengo (2021), squelette, reproduit grandeur nature, du cheval de Napoléon, placé sous le dôme des Invalides, au-dessus du tombeau de l’Empereur, à la capacité d’éveil des apparences changeantes de la marmorite rouge Pan#1 (2022), présentée à la galerie RX, Pascal Convert associe l’histoire et le temps, rend à ces deux instances leur densité, leur puissance et leur profondeur, et montre qu’elles peuvent être des instruments infinis d’approfondissement et de réverbération. »

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