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Les sculptures vivantes de Reinoso débordent à Chambord
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Août 2022 | Temps de lecture : 23 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Débordements, Pablo Reinoso » au Domaine national de Chambord (41) jusqu’au 4 septembre.

Vous voyez ce drôle de banc Spaghetti, qui semble ne jamais cesser de croître tellement il folâtre de tous les côtés ? C’est du Pablo Reinoso. Exprimer la force du vivant en appliquant le principe de la croissance végétale à la matière : ainsi pourrait-on résumer la démarche qui conduit toute l’œuvre de l’artiste plasticien. Une œuvre réjouissante et revigorante, qui se donne à voir à la galerie d’art Xippas à Paris jusqu’au 31 juillet, mais aussi et surtout en pleine nature et dans un écrin royal jusqu’au 4 septembre, à l’occasion d’un événement à la fabuleuse appellation qui lui va si bien : « Débordements ».

The Looping One - Pablo Reinoso

The Looping One - Pablo Reinoso

Après l’avoir invité en résidence, le Domaine national de Chambord consacre en effet une importante exposition à Pablo Reinoso en réunissant plus de cinquante de ses œuvres d’art. Certaines des sculptures emblématiques du plasticien franco-argentin sont là bien sûr, comme les fameux bancs spaghettis dont les lattes de bois se muant en branchages enlacés habillent les couloirs du château, mais il a aussi créé spécialement vingt trois productions pour l’occasion, en symbiose totale avec le lieu, pour offrir une déambulation unique aux visiteurs. Du jardin à la française jusque sous les majestueuses salles voûtées et salles d’exposition du deuxième étage, le parcours de visite permet ainsi de rencontrer une sélection représentative des œuvres de Pablo Reinoso, tout en s’émerveillant de celles qui lui ont été inspirées par le seul domaine royal resté intact depuis sa création en 1519 par François Ier, et qui abrite l’un des plus vastes châteaux de la Loire.

Ainsi « Révolution végétale (d’après Léonard) », une extraordinaire sculpture monumentale de pierre et de métal, squelette de marches déployées ou branches se mêlant les unes aux autres autour d’un tronc, qui culmine à 7 m de haut dans le jardin, est-elle inspirée du célèbre escalier à double révolution de Léonard de Vinci, offrant une vision graphique du ciel lorsqu’elle est vue du dessous. Lequel escalier accueille lui-même dans le château, et c’est une grande première, le dernier avatar de la série des « Respirantes », comme le cœur battant de l’exposition, une métaphore des multiples formes d’échanges dont dépend la vie.

Révolution végétale (d’après Léonard)

Révolution végétale (d’après Léonard) - Pablo Reinoso

Les « Respirantes », première œuvre d’art autorisée donc à investir le chef d’œuvre architectural que la légende attribue à Léonard de Vinci, sont en effet des « sculptures d’air », des poumons poétiques, que Reinoso a inventé à la fin des années 1990, sur la base de coussins en tissu de montgolfière « équipés de petits ventilateurs d’ordinateur programmés de telle sorte qu’ils se gonflent et se dégonflent avec une soufflerie » explique Myriam Boutoulle dans son article pour Connaissance des Arts. Laquelle a moins apprécié « Entrelacs », l’agrandissement d’un dessin à l’encre de Chine censé « coloniser » les échafaudages d’une tour du château en évoquant une prolifération de la végétation, et dont elle estime l’effet peu convaincant. Mais la pratique est nouvelle : l’artiste expérimente l’encre sur papier depuis le confinement vécu pendant sa résidence au château de Chambord.

Reproduction, exubérance, arborescence, expansion : ce sont les mots qui importent à Pablo Reinoso. Des principes empruntés à la nature sauvage, « qui me suivent depuis toujours et qui correspondent à cette espèce d’exagération qui me caractérise », souligne l’artiste franco-argentin, né en 1955 de deux psychanalystes à Buenos Aires, vivant et travaillant à Paris depuis qu’en 1978 il a dû fuir la dictature militaire de son pays natal. Même si ses diplômes d’architecture ne sont pas reconnus à son arrivée en France, la bourse qu’il obtient en 1979 pour aller travailler le marbre à Carrare lui ouvre en grand les portes de sa carrière d’artiste.

Très vite il est connu et reconnu pour sa pratique multidisciplinaire qui transforme des objets fonctionnels du monde de l’architecture et du design en entités à part entière. C’est simple : Pablo Reinoso « reverdit » les éléments inanimés. Il brouille les frontières entre figuration et abstraction, entre intérieur et extérieur, entre végétal et humain, entre passé et présent. Il remet en question notre rapport à l’espace et aux paysages. Au temps aussi. Oui, avec lui c’est sûr, les objets ont une âme.

Et si ses Bancs Spaghetti semblent au premier abord revisiter avec humour et frivolité un meuble basique du quotidien, ils dénoncent aussi bien les procédés de fabrication dénués de sens du design contemporain que le manque de respect de la nature et de ses ressources. Les lattes de bois se cambrent et s’incurvent peut-être pour aller chercher l’eau dont on les prive... S’inscrivant dans un processus de déploiement et de développement, le travail de Pablo Reinoso s’inscrit dans la monumentalité tout en gardant une échelle humaine. Ses installations et sculptures témoignent finalement d’une profonde connaissance de l’environnement liée à notre perception du monde, du paysage et de l’espace.

« Il y a une grande cohérence dans toutes mes œuvres, même si leur forme et leur apparence peuvent sembler provenir de mondes différents. J’ai pris conscience que, quelles que soient les séries, mes œuvres produisent du vivant, de la vie », confie l’artiste à la journaliste de Connaissance des Arts, qui n’hésite pas à le désigner comme un apprenti sorcier ou un enchanteur, en décrivant les chaises échevelées dessinées pour les jardins et les bosquets (« Mirador »), les « flammes » de bois en suspens dans les cheminées du château (« Extinguo »), ou les chaises qui dansent dans la vidéo « Thoneteando » réalisée avec la chorégraphe Blanca Li. Dans ses ateliers de Malakoff, inlassablement, Pablo Reinoso travaille le bois, le marbre et le métal avec son équipe. Et soudain tout prolifère.

« Je travaille toujours comme si la nature reprenait ses droits », explique Pablo Reinoso, qui a aussi libéré la croissance des buis au château de Chambord pour ses « Débordements ». Lui qui avait dès 1982 su imprimer le mouvement de l’onde sur une surface de marbre noir, avec « Paysage d’eau », qui avait vingt ans plus tard avec « Ashes to ashes » fait basculer successivement, sur un mur et au plafond, le parquet d’une maison avec son mobilier dans une rotation à 360°, ne risquait pas de laisser des bosquets rentrer dans le rang !

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