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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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L’Italie pour les siècles des siècles
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Août 2022 | Temps de lecture : 29 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Via Roma. Peintres et photographes de la Neue Pinakothek de Munich » visible au musée Granet d’Aix-en-Provence jusqu’au 2 octobre.

La force d’attraction du pays de Dante, du Tintoret ou du Caravage n’est plus a démontrer. Les chefs d’œuvres de la statuaire antique, les fresques de Raphaël à la Farnésine, les figures de Michel Ange à la Sixtine… Lorsqu’il arrive à Rome le 1er novembre 1786, Goethe s’émerveille tellement de retrouver toutes les œuvres d’art qu’il ne se lassait pas de côtoyer chez lui à travers des gravures, qu’il s’installe ici de septembre 1786 à avril 1788. Son livre « Voyage à Rome » sera publié en 1816, et ils seront plus de mille deux cents artistes germanophones à séjourner entre 1815 et 1848, à l’heure des guerres napoléoniennes et de la réorganisation des états allemands et autrichiens, dans cette Ville éternelle qui attire les artistes et les collectionneurs de toute l’Europe.

Car Rome est la référence suprême de l’art occidental depuis des siècles. Certes. Mais en plus de venir y admirer les œuvres d’art célèbres de l’Antiquité et de la Renaissance, d’y parfaire leurs connaissances en histoire de l’art, les artistes allemands viennent aussi en Italie pour trouver ce qu’ils n’ont pas chez eux, même dans les prestigieuses capitales de l’art comme Berlin ou Vienne : la végétation et la lumière du Sud. Ainsi naît une École allemande du paysage italianisant, dont on peut admirer cet été et jusqu’au 2 octobre au musée Granet d’Aix-en-Provence une belle sélection de tableaux dans l’exposition « Via Roma. Peintres et photographes de la Neue Pinakothek-Munich ». Le genre noble du paysage classique est ici brillamment représenté, et le parcours très agréable, beaucoup plus accessible qu’il n’y paraît d’ailleurs à la première lecture du titre de l’exposition.

En ce XIXe siècle, les peintres allemands paysagistes s’installent autour de la via Sistina tandis que celui qui deviendra le roi Louis Ier de Bavière fait de la villa Malta, qu’il a acquise en tant que mécène et collectionneur, un incontournable lieu de rencontre pour les artistes et les intellectuels devenus Romains d’adoption. Les Nazaréens, ce groupe de peintres allemands né d’une réaction contre le Classicisme prôné par Winckelmann et contre l’enseignement académique de Füger, professeur à l’Académie de Vienne, groupe mené par Johann Friedrich Overbeck, trouvent notamment dans la peinture de Raphaël, de Fra Angelico ou du Pérugin de quoi alimenter leur ferveur mystique, eux qui désirent tant donner à l’art de nouvelles bases religieuses et patriotiques.

Parmi la quarantaine de peintures visibles au musée Granet grâce au plus grand musée de Bavière qui a consenti à des prêts exceptionnels pendant la durée de sa fermeture pour rénovation, - paysages, scènes historicisantes, intimistes, scènes de genre et tableaux des Nazaréens -, beaucoup ont appartenu à Louis Ier. Et les nationalités se mélangent enfin un peu, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Les œuvres des collections munichoises dialoguent en effet ici allègrement avec celles François-Marius Granet (1775-1849), peintre néoclassique né et mort à Aix-en-Provence mais ayant lui aussi, comme Ingres, vécu à Rome au début du XIXe siècle avant d’être nommé conservateur du musée du Louvre en 1826. Même si ses recherches dans le domaine du paysage sont tout autres, révélant un étonnant goût pour un genre souterrain, ses huiles révèlent un modernisme avant l’heure, son œuvre romaine comprenant de nombreuses représentations de prisons, de catacombes et de grottes.

Il est passionnant d’admirer au musée aixois toutes ces mises en perspective, ces différents regards d’artistes portés sur la Ville éternelle en particulier, et sur l’Italie en général. Autant de sources d’inspiration inépuisables, et fascinantes bien au-delà des frontières et des cultures. Dans son article pour le numéro estival de Connaissance des arts, Jérôme Coignard jette son dévolu sur « Paysage héroïque », un tableau peint vers 1812-1813 par Johann Christian Eberlein, pour illustrer les règles classiques alors en vogue : un plan lointain avec des montagnes et des collines se profilant sur le ciel, un plan médian chargé de donner l’illusion de la profondeur, et un premier plan pour situer l’action. Il en est de même pour la « Fête des vignerons près d’Olevano », un tableau peint en 1812 par Joseph Anton Koch, offrant en prime danseurs de saltarelle et costumes pittoresques.

La première partie de l’exposition qui se déroule en quatre volets au rez-de-chaussée du musée Granet est ainsi dédiée aux peintures de paysages idylliques que la sensibilité romantique saupoudrera de « manifestations d’une nature grandiose et redoutable », comme l’explique le journaliste de Connaissance des arts, évoquant notamment Carl Blechen, l’un des plus brillants représentants de cette École allemande posée entre classicisme et romantisme. Carl Blechen qui avait tout compris du parti à tirer de l’huile en peignant directement d’après nature, imitant en cela les Français qui arpentaient déjà la campagne chargée de leurs tubes de peinture et de leurs toiles, tandis que les Allemands avaient plutôt pris l’habitude de se balader avec un carnet de dessin et une mine pour croquer ce qu’ils iraient ensuite peindre dans leur atelier.

Les peintures d’Ernst Willer, Civitella et plus encore celle de Caesar Metz, « Paysage de la campagne romaine », témoignent d’un nouveau regard, plus attentif, porté sur la nature, dans la qualité de la lumière et les grands effets de ciel. Elles rendent vraiment bien compte du développement des études peintes en plein air, qui autorisent davantage de spontanéité et font du paysage un sujet qui se suffit à lui seul. Chateaubriand l’écrivait dès 1795 : « des études de cabinet, des copies sur des copies, ne remplaceront jamais un travail d’après nature ». L’un des défenseurs les plus passionnés de cette école allemande sera Caspar David Friedrich.

On l’aura compris, cette première partie en forme de galerie d’art semée de tableaux présente donc la richesse et la diversité des styles des peintres de l’époque, du néo-classicisme au romantisme jusqu’aux prémices du réalisme. Et l’exposition se poursuit au second étage avec la présentation de quatre-vingts photographies de l’exceptionnelle collection du producteur munichois de cinéma Dietmar Siegert, prises à Rome et dans ses environs entre les années 1850 et les années 1870. Les lieux emblématiques comme les places célèbres de Rome, la Villa Médicis, le Quirinal, le Forum Romain, le Colisée ou l’Arc de Titus, les vues sur le Tibre et les passages du Vatican, Tivoli, mais aussi les arches, porches et cours, les monastères ou les scènes de la vie quotidienne témoignent du travail d’une dizaine de photographes. Dont l’Italien Giacomo Caneva, mais aussi l’Anglais James Anderson ou l’Ecossais Robert MacPherson. Là encore, le dialogue est évident avec la trentaine d’œuvres graphiques de François-Marius Granet, lavis et aquarelles, issues du fonds du musée aixois. Tous les chemins de cette exposition mènent décidément à Rome.

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