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La créativité selon Jeppe Hein peut-elle nous sauver ?
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Août 2022 | Temps de lecture : 28 Min | 0 Commentaire(s)

A propos des installations participatives « Récits de Champagne » de Jeppe Hein qui seront visibles sur Art Basel en Suisse du 16 au 19 juin, et de son exposition « Distance » qui s’installera au Konschthal Esch, au Luxembourg du 18 juin au 4 septembre.
 

Parce qu’un jour il a compris que la solution pour aller bien était en lui, Jeppe Hein a décidé de mettre son art au service de l’éclosion de tous. Et de mener sa danse. A son propre tempo. L’artiste contemporain danois héritier de l’art conceptuel et minimaliste des années 1970, aujourd’hui installé à Berlin avec sa femme et leurs quatre enfants, est revenu d’un burn-out qui l’a laissé exsangue il y a dix ans. Ses iconiques labyrinthes de miroirs, pavillons d’eau et bancs biscornus lui avaient apporté une renommée internationale à l’issue de ses études à l’Académie royale des beaux-arts de Copenhague puis à la Hochschule für Bildende Künste de Francfort. Certes. Mais « rien n’allait, j’enchaînais les projets, je ne trouvais plus de sens à ce que je faisais et je me détruisais : j’ai tout arrêté », confie-t-il à Patricia Boyer de Latour, qui est allé le rencontrer dans son atelier berlinois pour Connaissance des Arts, en amont de la présentation de deux de ses installations à Art Basel, principal salon du marché de l’art international, ainsi que de son exposition « Distance » à l’espace d’art contemporain Konschthal d’Esch-sur-Alzette.

L’épreuve a mené Jeppe Hein sur les chemins des maîtres zen, des lectures taoïstes, du yoga et de la plongée psychanalytique dans l’enfance. Source de créativité. « Mes parents ont divorcé quand j’avais 5 ans et j’ai vécu avec mon père, très occupé par son travail d’éducateur d’enfants à problèmes. Qui se souciait de moi ? J’étais dans mon monde, je dessinais beaucoup. Ma mère vivait ailleurs… J’en ai souffert longtemps, cherchant auprès de ma compagne une sérénité que je n’ai jamais eue… Et puis, j’ai compris que c’était à moi de la trouver en moi, et mon art en a été transformé. »

Loin de lui l’idée de se positionner en art-thérapeute ou en gourou d’aucune chapelle ! L’idée de Jeppe Hein est tout simplement, depuis, d’inviter les spectateurs à explorer leur propre créativité, en imaginant des expériences poétiques à destination du public, s’inspirant aussi bien des jeux d’enfants que des enseignements asiatiques qu’il a suivis en matière de zénitude. Ainsi les visiteurs de l’installation « Breathe with me » peuvent-ils empoigner un gros pinceau face à une immense toile blanche, le plonger dans un pot de peinture bleue et dessiner des traits de haut en bas au rythme de leur respiration. Tandis que ceux de « Frequency Watercolours » feront tourner un gong sur les parois d’un bol tibétain rempli de peinture colorée à haute valeur vibratoire ajoutée, créant musique et gouttelettes qui se répandront sur la large feuille de papier blanc accueillant le dispositif. « Vous étiez un Pollock qui s’ignorait ? Jeppe Hein fait mieux : il vous donne des clés », écrit Patricia Boyer de Latour.

Breathe with me

Frequency Watercolours

Puisque la créativité l’a sauvé, l’artiste né le 1er août 1974 à Copenhague espère qu’elle pourra sauver plein d’autres gens. Alors dans son studio berlinois en forme de « white cube », derrière une vitre recouverte de son fameux sourire bleu emblématique, Jeppe Hein ne s’interdit rien. Il est ravi que les champagnes Ruinart lui aient confié leur Carte Blanche 2022. Le lancement officiel de l’installation évolutive et participative « Récits de Champagne », qu’il a imaginée pour traduire son immersion en Champagne en utilisant des fragments de craie issus de ce terroir et en convoquant les quatre éléments indispensables à l’élaboration du champagne, a eu lieu le 30 mars dernier au Palais de Tokyo à Paris, et le projet s’est poursuivi à la Biennale de Venise, à la Gallery Weekend Berlin, à Art Brussels, Frieze New York et donc à Bâle du 16 au 19 juin, à l’occasion du fameux salon du marché de l’art international qui réunira plus de 250 galeries d’art. L’aventure « Récits de Champagne » poursuivra son chemin à Frieze Londres, Art Basel Paris, Art Week Tokyo et Art Basel Miami… Bref elle sera vue dans toutes les plus grandes foires d’art contemporain du monde.

« Récits de Champagne » - Jeppe Hein (Crédit photo : Do It In Paris)

L’installation consiste notamment en un kiosque à miroir très surréaliste où chacun est invité à plonger la main pour s’emparer d’un morceau de cette craie odorante extraite des crayères du champagne Ruinart, puis à aller dessiner sa propre « tête à Toto » sur l’un des panneaux colorés sur lesquels Jeppe Hein a tracé des bulles de toutes les tailles, en plus de les surmonter de l’une de ses maximes comme « Do you get what you want or what you need ? », « The answer is within you », What if this does not exist », « Right hère, right now »… Tournant autour la seule question au fond qui traverse finalement l’œuvre : qui suis-je ? Et vous, qui êtes-vous ?

Ce qui est sûr, c’est que Jeppe Hein, lui, est un artiste apaisé. Avec son look de « joyeux lutin aux allures de Tintin 2.0, l’œil bleu tendre et la houppette un peu chahutée », comme le décrit la journaliste de la revue Connaissance des Arts, il n’a plus besoin de forcer et encore moins de tricher. Il fait comme il le sent, et pas à moitié. N’ayant pas hésité à foncer à Reims après l’invitation de Ruinart pour tout comprendre de l’art du vin de champagne, et pour réfléchir aux liens qu’il pourrait tisser avec d’autres entre champagne, gastronomie et arts plastiques. Quand les planètes sont alignées, les portes s’ouvrent.

Ainsi celles du Konschthal Esch – Espace d’art contemporain, nouveau lieu prestigieux récemment créé dans la capitale européenne de la culture Esch2022 grâce au rachat par la ville en 2020 d’un ancien magasin de meubles, et qui offre aujourd’hui à Jeppe Hein une surface totale d’exposition de près de 2400 m2 sur quatre niveaux. Du 18 juin au 4 septembre, « Distance » invitera les spectateurs de tous âges à explorer cet espace de façon ludique, sur la base d’une construction modulaire faite de rails d’acier, respectant ainsi le souhait de cette nouvelle institution culturelle d’offrir un accès démocratique et sans barrière à l’art d’aujourd’hui. Lorsqu’un visiteur entre dans la salle, un capteur réagit et libère une boule blanche qui se met en mouvement et parcourt les 800 m du circuit en passant par des loopings, des virages serrés et d’autres sections dynamiques... Mais attention, ce n’est que le début !

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