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Fake. Comme vous
fake-comme-vous - ARTACTIF
Août 2021 | Temps de lecture : 16 Min | 0 Commentaire(s)

Êtes-vous plutôt huile ou plutôt acrylique ?

Et s'il s'agit de faire beaux aplats ?

Cette question n'est heureusement pas la seule qu'aborde la série d'articles consacrés à la « peinture plate » dans Art Press La peinture plate ? Oui, c'est l'équivalent anobli du flat design qui s'est abattu depuis quelques années sur l'ensemble des arts graphiques. Street art compris. Tout le programme pictural du genre tient en son nom. On travaille exclusivement en aplat en oubliant systématiquement reliefs et ombres.

Comme Matisse ?

Le propos n'est pas tout à fait là. L'intention est ici bien plus figurative. Mais oui cependant. Cette référence n'est pas étrangère au peintre israélien Guy Yanai, par exemple. Il ressent l'avènement de la peinture plate comme une conséquence de notre passage à la civilisation de l'écran. Entre smartphones et ordinateurs. Ce n'est donc pas la peinture qui est plate mais le monde dont elle brosse le portrait. Notre monde d'aujourd'hui. Plat. N'en déplaise à Galilée.

Fanck Stella - The Drive to make art Mais comment en arrive-t-on à s'efforcer de faire aussi simple ? Pour aller jusqu'au minimalisme abstrait d'un Franck Stella. Il faut beaucoup de temps et d'efforts humains avant d'atteindre un résultat parfaitement géométrique auquel une machine d'aujourd'hui aboutit en quelques minutes.

Dans son article tout sauf plat, Richard Leydier, s'arrête longuement sur l'œuvre mais aussi sur la bio d'un pionnier du genre : Emanuel Proweller. On voit ici tout le chemin parcouru, les revirements pluriels entre figuratif et abstrait, les changements de technique qui seraient sans doute perçus aujourd'hui comme des signes de faiblesse. Mais on appelait cela alors un artiste qui se cherche. C'était-à-dire : un artiste qui cherche en quoi il est artiste. Un artiste qui cherche quelle forme d'art fera de lui un artiste. Ici : la peinture plate.

Regardons les choses en face. Nous voici devant des tableaux qui nous disent ouvertement que nous sommes plats. Tout en nous montrant un monde bien infantilisant de BD simplifié jusqu'à l'idéalisation. Ados nostalgiques ayant mal vieilli qui se la jouent provo avec la génération de Papa et Maman ? C'est sûr que le rapport BD-peinture n'a pas grand-chose à voir ici avec les cases de comix géantes gentillettes de Roy Lichtenstein. Le ton est volontiers plus grinçan

Joan Cornella - You make me sick - 2019 L'univers de Joan Cornella, remarquable entre autres, nous emmène dans une dimension très éloignée de la seule sacralisation interrogative du 8ème art. Sur toile encadrée et exposée en galeries.

On dirait, tout au contraire, que la peinture simplifie ici son art pour mieux nous parler. Pour mieux nous parler d'art. Et non plus seulement pour nous démontrer qu'on peut faire de beaux tableaux avec de la peinture conçue au départ pour bomber carrosseries de voitures et fuselages d'avions.

Comment devons-nous prendre l'insulte à la Handke qui nous est adressée lorsque Joan Cornella fait dire dans un carton à une plante en pot : « I'm fake. Like you. » ? Logiquement, cela signifie que le you est fake avant le I. Mais nous décodons l'inverse. On nous signale que la plante est fausse. Et nous aussi. Y compris l'être humain figurant aux côtés de cette rappeuse botanique. L'étiquette sur le pot le loge d'emblée à la même enseigne que nous. Fake. Et pourtant la plante éprouve le besoin de lui signaler qu'elle est fausse. Alors qu'elle est faite de la même matière que lui : la peinture plate. A priori.

Cette mécanique ne fonctionnerait pas de la même manière si nous la découvrions comme une case parmi les pages d'un album de BD. L'insulte serait indirecte. Pourquoi est-ce si différent quand une peinture se réduit à une BD ou un dessin sur Illustrator, le champion toutes catégories des aplats ?

Parce qu'elle nous rappelle que dans ces tableaux plats, nous voyons l'image du monde que nous donnons à aux peintres.

 

Illustrations :
- Emanuel Proweller 1918-1981 - Bathers
- Joan Cornella - You make me sick – 2019
- Franck Stella - The Drive to make art - 1967

 

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