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Les paysages hypnotiques de Peter Doig
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Mai 2023 | Temps de lecture : 29 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Peter Doig » à la Courtauld Gallery de Londres visible jusqu’au 29 mai 2023.

Quand on voit les prix qu’atteignent désormais les œuvres d’art à vendre de Peter Doig, ce peintre britannique d’origine écossaise devenu en 2007 l’un des artistes contemporains les plus cotés au monde sur le marché de l’art, on sourit en imaginant que lorsqu’il peint Swamped en 1990, il a bien du mal à trouver acquéreur. Ce curieux canoë blanc flottant sur l’eau par une nuit sombre, aux abords d’un paysage désolé évoquant la dernière image du film d’horreur Friday the 13th, s’est en effet difficilement vendu à l’époque l’équivalent de $1000. En 2015, la peinture a été adjugée $25,9 millions. Comme quoi il ne faut jamais perdre espoir ? En tout cas, l’appât du gain n’a jamais fait dévier de sa trajectoire ce peintre né à Edimbourg en 1959. Même aujourd’hui que ses toiles inspirées de paysages naturels ou urbains affolent le marché de l’art contemporain, il n’en peint pas plus que trois à six par an. Ce qui en fait un concentré de sensations pures.

Swamped - Peter Doig

Le reste du temps, il voyage, il observe, il travaille. C’est sa méthode depuis toujours. Après avoir passé sa jeunesse à Trinidad, avec un père travaillant dans le commerce maritime, il était venu étudier à l'École d'art de Wimbledon puis à la Saint Martin’s School of Art de Londres, était ensuite parti vivre au Canada, avant de revenir étudier sur les bancs de la Chelsea School of Art à Londres, sans hésiter à 31 ans à se mettre à peindre intensément aux côtés d’étudiants de 20 ans pleins de fougue et de détermination. « Une période ultra-productive », souligne Elisabeth Couturier dans son article pour Connaissance des arts du mois de mars. Son travail émerge au début des années 1990, notamment grâce à une exposition personnelle à la Whitechapel Art Gallery en 1991. « Ses efforts sont récompensés par sa nomination au Turner Prize en 1994. Et au fil des ans, par l’affirmation d’un style figuratif fluide : une étendue d’eau et ses reflets deviennent prétextes au traitement de la matière, idem pour des ombres portées ou une végétation dense. Mais dans ses étranges images règnent un calme et une tranquillité suspects. Le plus souvent apparaissent quelques rares personnages perdus dans des paysages porteurs de forces obscures, inspirés par la nature caribéenne exubérante ou par les lacs gelés du Grand Nord canadien. Des lieux où l’artiste a vécu. »

 

Car Peter Doig a vécu et travaillé dans tant de villes à travers le monde, notamment Londres, New York, Trinidad et Tobago, Berlin… qu’on s’y perd ! Marié deux fois, ce père de sept enfants est un artiste nomade. A 62 ans, il partage désormais son temps entre Londres, redevenu son port d’attache après Trinidad, où il avait eu besoin d’aller retrouver les effluves de son enfance, New York et Düsseldorf, où il enseigne. Suivre sa trajectoire donne le vertige car d’après ses propres calculs, il aurait déjà vécu dans plus de deux cents maisons ! Et la diversité géographique du parcours de Peter Doig, fasciné par des paysages où le rapport de l’homme à la nature est constamment en jeu, marque finalement son œuvre qui s’est peu à peu construite autour d’une quête de l’authenticité. S’appuyant sur le travail de la matière, jouant des textures, des teintes pures et mélangées, des effets de solarisation, halos et mises au point vagabondes, l’artiste peint des tableaux dont la présence est envoûtante. Pas de lecture univoque possible devant une œuvre d’art de Peter Doig.

 

« Ses toiles ont une énorme présence car il est exigeant et extrêmement inventif, aussi bien en  ce qui concerne les sujets que les formes ou les couleurs. Chaque tableau est de l’ordre du miracle ! » estime Fabrice Hergott, qui l’a exposé au Musée d’art moderne de la ville de Paris en 2008. Quant à Stéphane Aquin, commissaire d’une exposition de l’artiste en 2013 au musée des beaux-arts de Montréal, il en est convaincu : « Il y a un effet Peter Doig. Ces toiles activent des zones rarement sollicitées, celles de la psyché profonde. C’est hypnotique. Plein de surprises ; Doig nous conduit dans un espace de la peinture qui nous met dans un état second (…) Objets, formes, personnages, tracés des couleurs stridentes ont une résonnance psychédélique ». Au point que la journaliste de Connaissance des arts pose la question : « Telle une drogue psychotrope ? » Rappelant qu’en 2014, l’artiste lui-même avait confié avoir été profondément marqué par l’expérience d’une prise d’acide à l’âge de 15 ans, voyant son environnement habituel se déliter sous ses yeux.

 

Quoiqu’il en soit, les peintures de Doig sont caractérisées par une technique remarquable et une grande attention portée à la couleur et à la lumière. Beaucoup de ses œuvres représentent donc des paysages imaginaires ou réels, tels que des forêts, des lacs, des montagnes et des rivières, souvent avec une ambiance étrange ou mystérieuse. Des lieux sauvages, indéfinis, que l’homme traverse en laissant une trace : canoës vides, maisons de travailleurs saisonniers, silhouettes solitaires devant des brumes flottantes… Il explore également les thèmes de la mémoire, de l'identité et de la culture. Outre les nombreuses distinctions qu’elles lui ont values, ses œuvres sont exposées dans les plus grandes collections publiques et privées du monde, galeries d’art et musées, y compris le Musée d'Art Moderne de New York, la Tate Britain à Londres et le Musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa. Forcément, même si ses œuvres d’art à vendre sont désormais inaccessibles à de nombreux collectionneurs, chacune de ses expositions est un événement. Ainsi celle qui se tient actuellement à la Courtauld Gallery de Londres, ce musée d’art situé en plein centre de la ville, sur le Strand, qui abrite la collection d’art de l’Institut Courtauld, un établissement d’enseignement et de recherche autonome de l’Université de Londres spécialisé dans l’étude de l’histoire de l’art. Une douzaine de peintures de Peter Doig y est présentée jusqu’au 29 mai, pour la plupart inédites, ainsi que dix-huit gravures inspirées par son ami le poète Derek Walcott.

 

« La Courtauld Gallery est l’endroit parfait pour voir les œuvres de Doig, tant notre collection d’art impressionniste et postimpressionniste reste une source d’inspiration pour son imagination picturale », estime le commissaire de l’exposition, Stefan Whrigt. Daumier, Courbet, Gauguin, Matisse… mais aussi les artistes américains de la dépression, ceux du groupe Ash Can School ou encore les peintres régionalistes : les références à l’histoire de l’art son effectivement omniprésentes dans les toiles de Peter Doig.

 

Visuels :
- Peter Doig, Alpinist, 2022, Pigment sur lin, 295cm x 195cm © Peter Doig, All Rights Reserved, DACS 2023
- Peter Doig, Swamped, 1990. CHRISTIE'S

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