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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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Bernard Aubertin cloué au rouge
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Décembre 2021 | Temps de lecture : 17 Min | 0 Commentaire(s)

À propos de l'exposition Bertrand Aubertin – À feu et à sang
au Bonisson Art Center de Rognes - Jusqu'au 3/02/2022


Faire de l'art semble décidément avoir été chose plutôt facile dans les années 50 et 60. Décennies hors du temps au cours desquelles ont été créés les œuvres marquantes de la modernité. Il régnait alors un tel dogme de l'inédit que le critère de nouveauté reléguait au second plan toute dimension autre qu'immédiatement perceptible. Comme notamment la profondeur. Les artistes d'alors pensaient-ils ? Ou suffisait-il d'avoir trouvé un gimmick comme Warhol ou un bon filon comme Lichtenstein pour percer, exister et durer comme le firent en musique les Beatles dans le désert radiophonique d'alors ? C'est la question qui ne manque pas de se poser à la lecture de l'article que la revue Beaux-Arts consacre à Bernard Aubertin.

En ces temps bénis où une idée force suffisait, Bernard Aubertin était, comme beaucoup de peintres, en pleine brasse coulée entre les tentations figurative et abstraite. Il suffit de voir les œuvres de jeunesse très van goghiennes d'un Mondrian pour se convaincre que de nombreux artistes phares de l'art moderne ont en réalité longuement joué à l'élastique entre mimesis et saut dans le vide. Les plus radicaux furent naturellement ceux qui évacuèrent toute velléité de créer un quelconque motif pour se concentrer ici sur le geste créatif nu et là sur la couleur pure. Et voilà qu'un beau jour, Bernard Aubertin visita l'atelier d'Yves Klein.

Tout le monde sait que Klein a volé le plus beau bleu du monde à l'arc-en-ciel. Il l'a même déposé comme s'il s'agissait d'un brevet industriel sous le nom d'YKB (International Klein Blue) ! Et de même que le bleu appartient à Klein, le noir est devenu, avec le temps, la propriété voire la chasse gardée de Pierre Soulages. Il l'a tant exploré qu'il nous a démontré avec évidence combien cette couleur, pourtant la plus terne de toutes, recelait de nuance et de tonalités intérieures insoupçonnées. Le bleu de Klein est donc unique. Le noir de Soulages, pluriel. Et comment Aubertin se situe-t-il dans le tableau ?

Il a pris le rouge ! Pourquoi ? Parce qu'il aimait le rouge sur le pur plan plastique. Parce que le rouge était libre. Et parce qu'il devait se dire que si un peintre qui limitait sa palette au bleu étant reconnu comme artiste, il suffisait de faire comme lui, mais un peu autrement pour accéder également à Ce statut. Bref, on fait du Klein mais autrement et surtout avec une autre couleur. Augustin se lance ainsi dans la monochromie avec tout l'avantage de ne pas être face à la nécessité d'en proposer une symbolique. Entre le sang et le feu, le rouge dit de lui-même la passion et le danger. Evidente, la signification est dès lors en pratique désactivée. Aubertin n'aurait-il rien à dire de nouveau ou du moins de différent. Fait-il de l'art ou fait-il juste l'artiste ?

Il est clair que notre homme a cherché. À défaut d'explorer les mythologies et zones d'ombre de son temps, Bernard Aubertin a arpenté toutes les possibilités techniques offertes à un pinceau pour déposer du rouge sur un support. Qu'il s'agisse d'une toile ou d'une planche à clous. Et Stéphanie Pioda de Beaux-Arts nous invite à suivre ce cheminement de fourmi qui « combine à la fois l'espace et le temps, le mouvement et l'énergie pour l'amener à une dimension plus universelle ». Admettons. L'épure conduit à voir ce qui s'oppose le plus intimement au vide. C'est sûr. Mais là où règne, dans cette histoire, un parfum d'arnaque, c'est que ce type de discours laisse à entendre en creux que cette nudité aurait l'apanage de la profondeur ce qui lui confèrerait de facto une supériorité tacite sur le plan moral.

C'est là que les choses dérapent. Qu'il n'y ait rien à voir véritablement dans les œuvres d'Aubertin qu'un design créatif de la couleur rouge est une chose. Mais cela ne lui confère en rien un titre de propriété du rien philosophique et métaphysique. C'est de cette posture intellectuelle que naît une imbécillité critique dont Beaux-Arts se fait ici complice. Le vide d'une œuvre artistique n'est pas un signe de qualité qui nous invite à réfléchir sur le vide du monde face au plein intérieur silencieux et donc mystérieux de l'artiste. Il y a une différence entre se livrer à une réflexion abstraite et s'abstraire de toute réflexion.

Illustration : Bernard Aubertin - Tableau clous 1969

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