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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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ARTISTE EMERGENT(E)
Chatou / France
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La Vie résiduelle : Depuis quelques années ma démarche est nourrie essentiellement de la vie quotidienne. Plus exactement de ce qui me reste en dehors de mon travail d’enseignant pour la création. Le temps passe toujours trop vite ! J’essaye de le ralentir, de redonner un peu d’épaisseur, de densité dans sa fluidité. Ainsi le temps passé dans les transports à remplir des grilles de Sudoku, ce qui semble bien dérisoire au demeurant est enregistré, signifié (heure de début et fin mais aussi lieux sont inscrits sur la feuille et la signature est apposée à chaque fois). La grille enferme dit-on parfois elle permet aussi de s‘évader. La forme de la grille en art ce n’est pas nouveau comme le souligne Rosalind Krauss dans L’originalité de l’avant garde et autres mythes modernistes (page 93) « Ce n’est pas seulement le nombre de démarches vouées à l’exploration de la grille qui est impressionnant, mais le fait que nulle exploration n’aurait jamais pu opérer en terrain moins fertile.» « La grille spatialement affirme l’autonomie de l’art ». Orthonormée elle est anti naturelle, anti mimétique, contre l’affect. Et sur le plan temporel elle impose sa durée. Elle semble circonscrire le temps à l’espace qu’elle désigne. Pourtant avec le sudoku les nombres inscrits typographiquement, qui appellent les nombres absents à prendre leur place scripturalement, font que le temps du cogitus est entrecoupé de pauses qui font que la durée dépasse le temps de la grille. Le lieu où se passe le temps de résolution de la grille n’est pas unique, il est fragmenté, éclaté, étiré par le trajet. J’en rends compte par l’inscriptions de données. Ce temps m’appartenant la grille se mêle ainsi à un questionnement de l’autobiographique. Parallèlement, du café bu chaque jour est récolté le filtre et sa mouture. Le filtre est ligaturé avec un fil de cuisine dont la longueur est celle de mon bras gauche. La mesure ainsi répercutée ne nécessite pas d’avoir un mètre sous la main. Le filtre est étiqueté avec un post-it carré. Le post-it n’est qu’un papier pense-bête que l’on pose habituellement avec négligence sur le coin d’un bureau où sur un frigo. Il n’est habituellement pas destiné à être précieusement conservé. Le format carré est une constante dans mon travail c’est aussi celui du sudoku. Sur le post-it est inscrit le jour et l’heure le type de café, son poids, parfois le lieu et ma signature. Le post-it est froissé ensuite il est défroissé. Je singularise par ce geste la forme normative du post-it je déroge à l’identique par dérèglement impulsif désordonné, pour revenir au contrôle. Une grande partie de mon travail se joue sur l’ordre et le désordre, sur la règle et le dérèglement, sur la quiétude et l’inquiétude. Le post-it est ensuite percé avec une perforatrice de bureau (retour au normatif) puis il est lié au filtre par l’un des deux bruns. Les filtres sont mis à sécher posés sur leur post-it sur lequel le liquide continue de se répandre et laisse la trace de sa maculation. Le texte inscrit perd de sa lisibilité. Créer c’est aussi accepter la perte, introduire de l’aléatoire prendre en compte le hasard, l’indéterminé. Après le séchage ils sont stockés. En attendant d’être suspendu à la grille de Sudoku. Des portraits photos de ces filtres, mais aussi des études graphiques, des peintures et des installations sont mises en œuvre à partir de ces deux passeurs de temps que sont les sudokus et les filtres. Rien ne ressemble plus à un filtre qu’un autre filtre en apparence et pourtant aucun n’est identique. Ce qui est destiné habituellement à remplir nos poubelles ou au mieux, à servir de terreau pour les plantes, cette forme résiduelle sans qualité artistique apparente pour le plus grand nombre est ici reconsidérée. La ligature fait danser les doigts et le filtre devient bourse. Le marc comme une matière précieuse est soustrait au regard et seul le parfum qui se dégage et le jus qui continu de se répandre nous renseigne sur ce qu’il fut juste avant. Le poids varie selon qu’il s’agit du café du matin ou du midi, les plis, les marbrures la texture varie selon qu’il s’agit au départ d’un filtre blanc ou bistre teinte que lui confère les fibres de bambou. La couleur des post-it a changé aussi. Au départ ils étaient blancs ensuite jaunes aujourd’hui ils sont verts. Le café qui était essentiellement d’une seule marque varie maintenant dans ses origines. Biologique il s’inscrit désormais dans un questionnement du commerce équitable. Identité, altérité, solidarité. À l’expérience de la durée qui peut paraître laborieuse, opiniâtre, obsessionnelle se mêle le questionnement de l’identité, de la signification. J’aime le travail d’Opalka ! J’ai en commun avec lui ce rapport au temps, à la durée à l’inscription. Les filtres sont un peu comme la métaphore de ce que nous sommes ! Tous semblables et pourtant différents mais pris dans le flux du temps auquel nous tentons d’opposer une frêle pesanteur. Sudokus et filtres officient comme des ralentisseurs un peu désespérés et pour certains désespérants. À la grille, au normatif, à la logique numérique s’opposent les formes aléatoires des bourses odorantes qui se transforment et s’allègent. Toujours plus ! La croix, signe récurrent dans ma pratique, non pas tant comme figure Chrétienne mais comme le signe de l’intersection dans la grille et la signature primaire de l’être humain non encore alphabétisé, le + de la croissance, de l’addition, de l’entre deux termes de l’entre deux genres comme a+b ou a et b. Le + introduit de l’altérité mais aussi du symbolique dans le sens ou deux termes associés créent un autre sens. Si au café filtre mouillé je rajoute un lien et le geste même de la ligature, je crée une relique, un reste commémoratif qui renvoie à du temps passé. C’est à la fois une durée précise celle de l’écoulement dans la cafetière et une autre celle de sa persistance. Chose consommée puis repartagée par le visuel de sa mise en scène et sa fragrance. Le « + » c’est aussi la saturation, l’écrasement. Le filtre se sèche, se rétrécit, mais parfois les doigts rendus indociles par l’excitation nerveuse d’avoir trop bu le breuvage, serrent, étranglent, bousculent le filtre encore humide qui se déchire et se répand. Ph. Roland Texte modifié le 31/07/11 9:21 AM

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